Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/709

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de secte et le sentiment de la véritable situation de la France. Voilà le danger. Voilà ce qui entretient la méfiance, qu’on ne dissipe un jour par de rassurantes paroles que pour la réveiller un autre jour par des connivences avec ceux qui, placés entre cette faiblesse et cette folie dont parlait M. le duc Decazes, seraient bien capables d’infliger cette double amertume à notre pays.

Si l’on se souvenait un peu plus de cette situation toujours si difficile de la France dans nos affaires intérieures comme dans nos affaires extérieures, on parviendrait sans doute à se fixer, on se ferait une politique qui troublerait un peu moins cette trêve où se repose le pays. On ne mettrait pas sans cesse au-dessus de tout l’intérêt de parti. Deux mois après avoir créé une apparence de stabilité, on ne se remettrait pas à l’œuvre pour ruiner ce qu’on a édifié, pour essayer de reprendre à travers tout des tentatives qui ont échoué. C’est là cependant le spectacle qu’on offre à la France depuis quelques jours. Il y a deux mois à peine, dans une pensée de conservation, disait-on, dans un intérêt de durée et de sécurité, on créait le septennat. Sans doute on avait le tort de ne pas organiser, de ne point définir immédiatement le régime qu’on créait avec une certaine solennité, d’ajourner cette définition jusqu’au vote des lois constitutionnelles, de s’arrêter à cette anomalie d’un pouvoir définitif quant à sa durée, provisoire dans sa constitution. On voit bien aujourd’hui que toutes ces questions étaient indissolubles. En fin de compte, on n’avait rien fait ou l’on avait créé sous le nom de présidence de la république un gouvernement qui devait durer sept ans. Pour le pays, qui n’est pas toujours au courant des ruses et des habiletés des partis, c’était dans tous les cas un avenir déterminé, à l’abri des subversions et des mobilités de la politique quotidienne. Le septennat représentait une trêve prolongée, un régime de neutralité placé au-dessus des contestations et de toutes les entreprises contraires. Eh bien ! non, on s’était trompé, le septennat n’était pas ce qu’on croyait, c’est du moins une fraction considérable de la droite qui l’assure maintenant. Le septennat a été créé et mis au monde, non pas pour donner la paix au pays et pour être une halte, mais pour protéger des agitations nouvelles d’où doit sortir la royauté. C’est la préface de la monarchie que le vote du 20 novembre a entendu écrire. Par une application bizarre d’un mot de M. Thiers sur la république, — qui sera conservatrice ou qui ne sera pas, — on dit aujourd’hui que la prorogation sera monarchique ou qu’elle ne sera pas. Comprenne qui pourra cette logomachie : la prorogation ne sera pas ou elle sera précisément ce qui la supprime, — d’où il résulte que dans tous les cas elle est sûre de son affaire. Rappeler au septennat qu’il est fragile, essentiellement provisoire, qu’il n’est là que pour occuper une place qu’on prendra le plus tôt qu’on pourra, c’est ce que les royalistes pointus appellent travailler à la sta-