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reproduisent les formes des objets de métal que possède la collection, haches, ciseaux, épingles à cheveux, boucles d’oreilles, anneaux. M. Schliemann et un ingénieur, M. Laurent, qui l’accompagnait, ont cru reconnaître entre deux des couches inférieures du minerai de cuivre et de plomb répandu sur toute la surface de l’acropole. Cependant il est difficile d’admettre que ces deux métaux fussent extraits sur place : rien dans les fouilles n’a prouvé qu’il en fût ainsi ; mais le métal tout préparé pouvait être apporté d’ailleurs et travaillé au moyen des creusets, des moules, des marteaux et des admirables ciseaux de pierre dure que renferme la collection. Quant aux outils en os, ils se réduisent à des poinçons et à des aiguilles : rien n’est plus rudimentaire ; les poinçons sont de petits os taillés en pointe ; les aiguilles sont le plus souvent des os de petits animaux dans la tête et les apophyses desquels un trou a été percé. Des os plus gros, sciés en travers, ont fourni des anneaux, des étuis et des manches d’outils pareils à nos manches de vrilles.

Dans les quatre couches préhistoriques, on n’a pas rencontré d’autres métaux que l’or, l’argent, le cuivre (peut-être le bronze) et le plomb. L’or était rare : à moins qu’il n’ait été enlevé au moment de l’incendie, il ne s’en trouvait que dans le palais du seigneur. Il en était à peu près de même de l’argent, qui, outre les grands et beaux vases du trésor, a fourni à la collection six lingots ou lames épaisses arrondies par un bout et concaves à l’autre extrémité. Les habitans de la ville incendiée ou du moins leur prince faisaient usage d’un alliage d’or et d’argent d’un grand éclat, connu des Grecs sous le nom d’électron. La collection en renferme de beaux spécimens, entre autres un gobelet travaillé au marteau et présentant des facettes disposées en spirales ; la couleur de ce vase est d’un jaune pâle, très éclatante, et, sauf les coups qu’il a reçus, il semble sortir de la main de l’ouvrier. J’ai parlé des objets de cuivre : une analyse bien faite dira prochainement s’ils renferment de l’étain ; l’aspect rouge qu’ils offrent quand on en ôte l’oxyde indique du cuivre pur, tandis que les objets analogues fournis par la couche hellénique sont visiblement en bronze. Le plomb est plus rare que les autres métaux dans toutes les couches de débris ; il s’y trouve cependant, et y a même fourni de longues épingles pareilles cà nos pointes de Paris, mais qui n’ont pu avoir le même usage. Quant au fer, les fouilles n’en ont pas révélé la moindre trace. À la vérité, le fer s’oxyde et se détruit rapidement, mais il laisse à la forge des scories indestructibles. Des ouvriers qui savaient fondre le cuivre et travailler les métaux comme ceux d’Hissarlik auraient forgé le fer, s’ils l’avaient connu, et les scories laissées par eux existeraient encore.