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que de la vaine rhétorique : son vrai sentiment lui a échappé, il est de ceux qui ne se consolent pas.

Guichardin lui-même a dit ailleurs qu’il ne faut pas ajouter foi au langage de ceux qui prétendent avoir quitté les affaires publiques par amour du repos et par fatigue des soucis de l’ambition. La passion toute contraire, assure-t-il, est le plus souvent au fond de leurs cœurs. Que, par la moindre fissure, ils voient briller une lueur nouvelle, rien ne les arrête ; laissant là le repos si vanté, ils y courent, comme la flamme sur une matière sèche ou imbibée d’huile ; subito che si rappresenta qualche spiraglio di grandezza, vi si gettano con quello impeto che fa il fuoco a una cosa secca o unta. C’était écrire sa propre histoire. Guichardin se trouvait au sommet d’une de ces voies glissantes qui manquent rarement de s’offrir à l’ardeur des politiques, et au seuil desquelles une grande force de volonté et de modération, un viril sentiment de l’honnête peuvent seuls les retenir. L’Italie prospère ou combattant pour son indépendance lui avait offert le vaste champ d’une action légitime et louable ; l’Italie, asservie aux étrangers qu’il avait combattus, n’attendait plus de lui que la protestation de sa retraite et de son silence.

Au gouvernement modéré des ottimati avait bientôt succédé dans Florence celui des arrabbiati ou des ultra-libéraux. Ce changement ne s’était pas accompli sans violences ; le précédent gonfalonier, Piero Capponi, avait échappé à la mort par la fuite, d’autres avaient été moins heureux. Guichardin s’était trouvé en présence d’une démocratie turbulente, exaltée par le péril commun, et dont les témérités dangereuses lui répugnaient jusqu’à le rendre aveugle pour ce qu’elle entraînait avec elle de généreuse ardeur et de patriotisme local. Depuis longtemps suspect, il s’était bientôt vu accusé formellement de trahison et d’exactions. Cité à comparaître, ainsi que beaucoup de citoyens de Florence également menacés, il avait préféré le risque de la confiscation de ses biens à celui d’une condamnation à mort résolue d’avance. C’est en de telles circonstances qu’il ne fit pas difficulté d’aller reprendre du service auprès du pape Clément VII. Sa pensée n’était pas de renouveler contre les impériaux la guerre à outrance, comme le voulaient imprudemment sans doute les exaltés florentins ; il savait au contraire que depuis la prise de Rome la cour pontificale ne songeait plus qu’à régler avec l’empereur le sort de la péninsule. Ce fut l’objet de la paix de Barcelone et des conférences de Bologne en 1529. Charles-Quint s’étant rendu dans cette ville pour y être couronné, on y traita de la paix définitive. Il fut décidé que le gouvernement populaire serait aboli dans Florence et qu’on rétablirait les Médicis. Des arrangemens de famille venaient cimenter ces résolutions : le jeune duc Alexandre, qu’on allait proclamer sur les ruines de la république, épouserait