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ronne impériale. Le dessein qu’on lui prêtait d’aspirer à la monarchie universelle excitait la jalousie soupçonneuse du roi d’Angleterre, l’inimitié intéressée du roi de France, et provoquait la coalition des divers princes de l’Italie. Guichardin fut un de ceux qui mesurèrent promptement le péril et se mirent des premiers à l’œuvre pour essayer de le conjurer. Il était encore gouverneur de la Romagne quand le coup de la bataille de Pavie retentit. Fatigué de sa pénible administration, préoccupé de la santé de sa femme, il songeait à revenir à Florence et à rentrer dans la vie privée. Les offres du pape, qui souhaitait de l’employer auprès de lui, ne le fléchissaient pas ; mais, quand la pensée du danger suprême de l’Italie lui apparut, il s’offrit au contraire, et, mettant de côté toutes les considérations privées, il voulut accepter, avec le titre de lieutenant-général de l’armée de Clément VII, la mission difficile de réunir contre l’empereur les diverses puissances de l’Italie et d’attirer dans cette ligue la France, fort intéressée à rencontrer une aide contre son puissant vainqueur. On le voit, dès la fin de 1525, pousser activement les multiples négociations. Le moment est favorable, dit-il ; les Milanais se sont insurgés contre les impériaux et les tiennent en échec ; les Suisses, rentrés chez eux, seront facilement engagés ; la France ne sera pas liée par les négociations de Madrid ; elle donnera de l’argent pour payer les Suisses, et fera une utile diversion du côté des Pyrénées. Une autre heureuse circonstance est, au lendemain du traité de Madrid, le mariage de Charles-Quint avec cette jeune et charmante Isabelle de Portugal dont il est tendrement épris. Au comble du triomphe et du bonheur, César, comme l’appelle Guichardin, paraît oublier ses récens projets ; il veut, dit-on, rentrer en Allemagne pour arrêter les progrès des luthériens et châtier les agressions des Turcs. Que la ligue italienne hâte ses préparatifs, et peut-être lui sera-t-il donné de surprendre les impériaux dans un instant de relâchement ou de faiblesse. « Méditer une guerre, si le succès en était évidemment impossible, s’appellerait folie, écrit-il ; mais, pour peu qu’il y ait ici quelque espérance raisonnable, ce parti est moins périlleux que d’accepter sans résistance la servitude. Il me paraît nécessaire, en tout cas, de se résoudre tout de suite. Doit-on s’en remettre à la discrétion de César, il est inutile de l’irriter par des délais ; mais, si l’on veut en venir aux armes, tous retards sont funestes : il y en aura bien assez d’inévitables quand il faudra réunir tant de parties intéressées. »

Les excitations et les efforts de Guichardin furent pour beaucoup dans la formation de la sainte ligue, qui fut conclue à Cognac le 22 mai 1526 entre le pape, le roi de France, la république de Venise, la république de Florence et le duc de Milan François Sforza ; son activité est inouïe pendant toute cette année 1526, et nous pou-