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çais après la bataille de Ravenne, l’école de peinture de Parme était fondée, et le Corrége peignait pendant l’administration de Guichardin, entre 1520 et 1524, la coupole de Saint-Jean. Guichardin lui-même faisait jouer les pièces de Machiavel à Ravenne par des acteurs florentins, et lui demandait par lettres l’explication de mots du terroir que, depuis quelques années absent de Florence, il ne comprenait déjà plus. — On n’en devait pas moins lutter pied à pied contre ces honteux désordres, qui corrompaient la nation. Guichardin s’acquitta de ce pressant devoir en administrateur habile et en justicier sévère. Trop souvent désarmé par l’absence de toute ferme institution, il recourait, quand il pouvait frapper, à des mesures d’autant plus rigoureuses. N’ayant guère à compter sur le concours du gouvernement pontifical, tenait-il un coupable, surtout de grande famille, il s’empressait d’obtenir de ses juges une condamnation, de préférence capitale, qu’il faisait aussitôt exécuter. « Hier soir, écrit-il le 21 février 1519, j’ai reçu de Rome la lettre ordonnant de surseoir à l’exécution du comte Alessandro da Sessa, si je croyais que cela dût apaiser les esprits. On a déjà usé de ce moyen à plusieurs reprises et sans nul fruit ; c’est pourquoi j’avais ordonné dès samedi l’exécution. » Désespérant d’atteindre la plupart de ceux qu’il devait poursuivre, il ordonnait qu’on rasât leurs maisons et qu’on détruisît leurs récoltes. La répression empruntait ainsi les mêmes moyens que l’offense, au grand détriment, il est vrai, de tout bon ordre et de toute vraie pacification. En de telles luttes, plus nous voyons Guichardin énergique et ferme, plus nous sommes avec lui pour applaudir à ses efforts et souhaiter son succès, car il représente au fond de ces provinces l’esprit de la discipline moderne s’indignant contre les plus aveugles abus du moyen âge. Il ne devait pas toutefois y consumer obscurément ses forces : les suprêmes dangers de l’Italie allaient l’appeler sur une scène plus retentissante.

C’était le temps où la puissance de Charles-Quint, vainqueur à Pavie, devenait très redoutable[1]. Les Italiens surtout avaient lieu de craindre les incessans progrès de l’empereur allemand. Fortement établi dans le royaume des Deux-Siciles, il dominait militairement dans le Milanais, disposait de Gênes, étendait ses exigences sur Florence et sur Rome, devenait inquiétant pour les états de terre ferme de Venise. On voyait donc en lui, dans le présent un oppresseur, et dans l’avenir le maître redouté de toute la péninsule italienne, où il projetait de passer à la tête d’une armée pour prendre la cou-

  1. Nous avons ici pour guide l’auteur des belles études sur la Rivalité de François Ier et de Charles-Quint. L’éminent travail de M. Mignet interprète et commente, au sujet des guerres d’Italie, et la grande Histoire et les œuvres inédites de Guichardin. Voyez surtout la Revue des 1er et 15 mars 1866.