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terrain près d’Éberbach, à portée de la division de Lartigue. Enfin la brigade de cavalerie légère du général de Septeuil et la division de cavalerie de réserve Bonnemains restaient sur les derrières de l’armée. C’est ainsi qu’on passait une nuit d’orage et de pluie torrentielle sur ces hauteurs, les soldats confians encore, quoique se ressentant déjà de la désorganisation universelle, les généraux soucieux, le maréchal calme devant le danger, mais préoccupé de savoir quelles forces se dirigeaient sur lui, où était l’ennemi.

L’ennemi n’était pas loin, il arrivait sur les hauteurs du bord opposé de la Sauer. Le prince royal n’avait pas trop perdu de temps en effet. Dès le 5 au matin, après avoir passé la nuit autour de Wissembourg sur le sol français, il avait repris son mouvement, poussant en avant d’abord de fortes reconnaissances sur tous les points, jusque dans la forêt de Haguenau. L’armée allemande s’avançait sur une ligne assez étendue. Le IIe corps bavarois, prenant la route de Lembach et se dirigeant par Langensultzbach vers la haute Sauer, se trouvait porté dans sa marche sur la gauche de nos positions du Nehviller et de Frœschviller. Le Ve corps prussien, suivant la route par Soultz, devait arriver sur notre centre à Goersdorf et Gunstett. Le XIe corps avait son point de direction à Surbourg. Les Wurtembergeois et les Badois de Werder, venant de Lauterbourg, devaient gagner Aschbach pour se rapprocher ensuite de la ligne de marche. Le Ier corps bavarois suivait le mouvement. Le soir, les têtes de colonnes allemandes touchaient à la Sauer, de sorte que dans la nuit du 5 au 6 on était déjà en présence. Par une coïncidence singulière, il semble que ni dans un camp ni dans l’autre on ne prévoyait une bataille pour le 6. Le prince royal comptait sur cette journée pour faire reposer ses troupes et pour relier ses corps de façon à ne s’engager qu’avec toutes ses forces. Le maréchal de Mac-Mahon ne pensait pas avoir à se battre avant le 7, il espérait avoir alors avec lui le 5e corps. On sentait si bien le besoin de ce supplément de forces que le matin du 6 encore, à Frœschviller, où le maréchal avait passé la nuit au milieu de ses troupes, on se demandait s’il ne valait pas mieux se replier aussitôt dans les Vosges. Quelques-uns des lieutenans du maréchal s’efforçaient de démontrer la nécessité de cette retraite. Le maréchal persistait énergiquement d’abord à vouloir attendre l’attaque dans les positions qu’il avait prises ; puis il paraissait se rendre à l’avis de ses lieutenans. Il avait même déjà donné quelques ordres pour éclairer les routes ; mais il était trop tard, au moment où l’on délibérait, de tous côtés s’engageait la lutte où allait se décider la fortune de la France.

Cette bataille du 6 août, elle commençait dès le matin avant huit heures par de simples reconnaissances qui mettaient par degrés les deux armées aux prises, et pendant toute une journée pleine des