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militaires qu’on arrêtait dès ce moment, les mesures de mobilisation. Une autre commission, composée de généraux et de délégués des compagnies des chemins de fer, avait été chargée de préparer l’organisation des transports. C’est à tout cela que le maréchal Niel faisait sans doute allusion lorsqu’il disait en 1868 devant le corps législatif : « Une puissance comme la France doit pouvoir, quinze jours après avoir déclaré la guerre, avoir 500 000 hommes sous les armes… Je vous déclare que dans ce moment, si le besoin s’en faisait sentir, il n’y a pas un homme devant paraître dans notre armée qui n’eût rejoint en douze jours… » On était bien loin de compte en 1870, et la mobilisation devenait l’opération la plus confuse.

On commençait par commettre la faute de prétendre s’organiser en courant, de confondre la formation de l’armée et la concentration sur la frontière. C’était l’erreur la plus dangereuse, qui avait pour conséquence de lancer tout d’abord en avant des régimens incomplets, de compliquer l’arrivée des réserves et de jeter le trouble dans tous les transports. Voici ce qui arrivait. De la commission des chemins de fer réunie par le maréchal Niel et dissoute après sa mort, la compagnie de l’Est avait heureusement retenu les règlemens qu’on avait étudiés, de sorte que le 16 juillet, à la première réquisition, elle était prête. Elle était prête dans les conditions des règlemens de la commission Niel que le ministère avait oubliés sans doute ; ce qu’elle n’avait pas prévu, c’est que, lorsqu’elle avait des trains réglés d’avance pour un bataillon de 950 hommes, pour une batterie d’artillerie, on lui conduirait des batteries incomplètes, des bataillons de 500, de 400, de 350 hommes, car on en était là, on avait des régimens de 1 200 et 1 300 hommes, même dans la garde. C’était une première cause de trouble dans les transports. En dix jours néanmoins, au 26 juillet, — et c’était assurément une marque d’énergique activité, — on avait transporté à la frontière 186 000 hommes, sans parler des chevaux et de l’artillerie. Seulement pour atteindre ce chiffre, pour faire nombre avec de si pauvres effectifs de régiment, il avait fallu expédier à la frontière la plus grande partie des cadres de l’armée française. Les réserves appelées dès le 15 juillet ne faisaient qu’ajouter à la confusion. Les réservistes, avant de rejoindre leurs corps sur le Rhin ou sur la Moselle, étaient obligés de commencer par se rendre dans leurs dépôts, quelquefois à une autre extrémité de la France ou même en Afrique. De tous ces hommes réunis avec peu d’ordre, dirigés au hasard sous la conduite de simples sous-officiers, les uns n’arrivèrent jamais ; ils formaient des masses d’isolés appartenant à tous les régimens de l’armée, tourbillonnant sur les routes et dans les gares de chemins de fer, sans savoir où ils allaient, vivant de secours, s’accoutumant au maraudage et à l’indiscipline. D’autres finissaient par arriver, ils arrivaient