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et ce qu’on savait alors des autres espèces, m’avait fait douter de ses habitudes insectivores, signalées par M. Raspail, mais la découverte du tyroglyphus phylloxerœ ouvre un nouveau jour sur la question. En ce moment, dans la terre des flacons où j’ai tenu vivant plus de deux mois le tyroglyphe d’Amérique, il ne reste plus de traces de cet acarien ni même de sa forme hypopus. M. Riley lui-même ne l’a plus revu à Saint-Louis, à partir des premiers froids de l’hiver ; mais il compte les retrouver à l’œuvre dès le printemps et renouveler alors les provisions qui nous permettraient d’en essayer la naturalisation en Europe.

Encore une fois il ne faut pas trop compter sur cet auxiliaire pour vaincre et même simplement pour réduire dans une proportion notable les légions ravageuses des phylloxeras. Si le salut pour nos vignes non submersibles doit nous venir d’Amérique, ce sera peut-être sous la forme de cépages réfractaires à l’ennemi qui tue les nôtres ; un de nos espoirs repose sur les vignes des États-Unis, et la même loi de changement, qui régit et domine toutes choses, va peut-être peupler nos vignobles des nombreux cépages dérivés en moins d’un siècle des vignes sauvages du Nouveau-Monde. Un tel sujet est donc à l’ordre du jour : c’est celui que je me propose d’aborder dans une prochaine étude, où je ferai l’histoire des vignes d’Amérique et de leurs produits.

Réduites à des aperçus d’ensemble, dépouillées de l’appareil technique des citations et des preuves justificatives, les pages qui précèdent ne prétendent pas juger sans appel et dans un seul sens les débats ouverts sur une question complexe, hérissée de difficultés de tout genre, du côté de la science comme du côté de la pratique. Résumer sur le premier point les travaux de MM. Riley, Lichtenstein, Signoret, Cornu, Balbiani, Duclaux, c’était s’engager dans un domaine où les naturalistes seuls auraient pu nous suivre ; on peut d’ailleurs consulter avec fruit, sur ce sujet une étude publiée ici même[1]. Quant aux procédés de guérison, l’énumération seule de tous ceux qu’on a proposés remplirait des pages, et sauf des exceptions très honorables, l’analyse de ces procédés n’aurait été qu’une humiliante liste des erreurs, des préjugés, des réclames, qui sont partout comme les scories de la vérité. Heureusement les erreurs passent et les vérités restent ; les subtilités n’ont qu’un temps, le bon sens et l’évidence des choses finissent toujours par triompher.


J.-E. Planchon.
  1. Voyez la Revue du 1er novembre 1873.