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mais il s’agit de les connaître et, si possible, de les utiliser. Depuis les admirables travaux de Réaumur, on sait que les pucerons et les cochenilles servent de pâture à de nombreux ennemis, soit insectes, soit acariens. Parmi les premiers figurent les larves des coccinelles, vulgairement bêtes à bon Dieu, celles des hémérobes, jolies mouches à quatre ailes de gaze veinées en réseau, des syrphus, mouches élégantes à corps annelé de noir sur fond jaune, des scymnus, petits coléoptères, en outre des hyménoptères (aphidius, crabonites, etc.). Les plus voraces de ces cannibales, suivant le mot des entomologistes américains, ont reçu de Réaumur le nom expressif de lions des pucerons. Or ces genres ont des représentans des deux côtés de l’Atlantique, et les plus communs (hémérobes, syrphus, coccinelles) ne se font pas faute de détruire des légions de phylloxeras, soit du chêne, soit de la vigne, lorsque ces derniers habitent des feuilles, c’est-à-dire les galles phylloxériennes. J’ai même entrevu, sans pouvoir la déterminer, dans les galles mêmes, une petite punaise de couleur blanche, étiolée, comme il convient à une recluse privée de lumière, qui dans cette étroite cellule trouve le vivre et le couvert. Ce sont là tout autant d’agens destructeurs de la forme gallicole du phylloxera ; mais cette forme, si rare même en Amérique, n’est presque pas nuisible à la vigne : il s’agit donc de trouver des auxiliaires contre l’ennemi le plus redoutable, je veux dire contre le phylloxera souterrain, celui dont les innombrables légions détruisent les vignobles entiers.

Ici la recherche est naturellement plus difficile ; elle est restée longtemps infructueuse. Parmi les insectes soupçonnés de pouvoir dévorer sous terre le phylloxera des racines, M. Riley n’a longtemps cité qu’une petite larve vermiforme de syrphide, le pipiza radicum, que l’on a vue aux États-Unis manger sur les racines des pommiers le puceron lanigère. Plus récemment, le savant entomologiste de Saint-Louis a découvert sur les racines des vignes du Missouri un petit acarus blanc qui vit aux dépens du phylloxera et de ses œufs. La parenté de cet infime animalcule le rapproche des tyroglyphes ou cirons, dont une espèce est si connue comme vivant dans les débris de la croûte des fromages : d’autres espèces dévorent des substances animales ou végétales en voie de décomposition, telles qu’insectes morts, champignons, bulbes de jacinthe ou de tulipe. Le tyroglyphus phylloxerœ sera le premier connu de son genre qui s’attaque à une proie vivante, et cette circonstance pourrait jeter quelque doute sur son vrai régime, si M. Riley, observateur si précis, n’avait assisté à ses repas et ne pouvait certifier avec assurance ses instincts de cannibale.

Ayant pris à mon départ d’Amérique (le 4 octobre 1873) de la terre et des racines phylloxérées où se trouvaient d’assez nombreux