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jours marché en rayonnant autour du foyer primitif, au nord en remontant graduellement le Rhône jusqu’à Lyon avec ramifications dans les vallées des affluens principaux du fleuve, — à l’est en s’implantant dans les Basses-Alpes et le Var, — à l’ouest en envahissant le Gard presque tout entier, sauf les districts des Hautes-Cévennes, et l’Hérault dans sa partie limitrophe aux terrains du Gard, savoir l’arrondissement entier de Montpellier, et dans le bassin de l’Hérault une très faible partie de la lisière orientale des arrondissemens de Lodève et de Béziers.

Partout l’envahissement graduel a présenté les mêmes phases après une période de mal latent, apparition de quelques points d’attaque isolés, — dans le courant de l’année même, agrandissement de ces points locaux, que l’on a pu comparer à l’extension graduelle d’une tache d’huile, — en même temps multiplication de ces foyers, — colonies d’avant-garde jetées à des distances de plusieurs lieues au-delà des centres développés l’année précédente, — en un mot aggravation effrayante du mal déjà confirmé, apparition fatale de foyers nouveaux, menace des pays vers lesquels s’avancent les essaims dévastateurs. Moins rapide dans le bassin de la Gironde, la marche du fléau s’y est surtout accentuée dans le sens du nord et de l’ouest, respectant jusqu’ici le Médoc, mais franchissant la Dordogne et servant probablement de point de départ à ces nombreuses colonies que M. Lecoq de Boisbaudran et M. Cornu ont découvertes en 1873 dans la Charente, autre centre de la richesse vinicole de la France.

Rien de plus facile que d’expliquer les deux modes d’extension de la maladie : agrandissement des foyers formés, apparition de foyers nouveaux. Le premier fait est dû à l’instinct migrateur des jeunes phylloxeras aptères, qui pousse les générations nouvelles à quitter les racines des ceps épuisés pour se porter vers les ceps voisins encore intacts et pleins de vie ; le second phénomène est sûrement dû à des colonies de phylloxeras ailés que le vent doit emporter et disséminer loin des points où leur évolution s’est faite. En ce qui touche le premier point, l’observation de M. Faucon, sur la marche des phylloxeras en plein air, à la surface du sol, nous fait assister à cette migration de proche en proche : sur le second fait, on ne peut hasarder que des conjectures, bien que la capture de phylloxeras ailés par des toiles d’araignée ne laisse aucun doute sur leur transport à travers les airs. Ce qu’on ignore, c’est la manière dont les mères pourvues d’ailes pondent les deux ou trois œufs dont leur abdomen est rempli et d’où sortent peut-être les premiers fondateurs des colonies souterraines. Quelque regrettable que soit cette lacune dans la connaissance des mœurs de l’insecte