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combattent encore par des moyens analogues à ceux qu’indique le vieux géographe[1]. Or, en recourant au texte cité, il est facile de voir que le phtheir est une cochenille farineuse[2], très voisine de la cochenille des serres et qui, répandue ça et là dans la région de la Méditerranée et de la Mer-Noire, attaque en été les parties extérieures de la vigne en les recouvrant d’une couche sirupeuse de miellat, sur laquelle se développe comme un enduit de suie la cryptogame appelée fumagine. En Crimée, le même insecte, lorsqu’il séjourne sur les racines, détruit des vignobles entiers à la manière du phylloxera. — Mais, ajoute M. Nourrigat, de Lunel, votre maladie prétendue nouvelle a déjà ravagé l’Europe, surtout au xviiie siècle : c’est ce que les Allemands appelaient alors Gabel (fourchette) à cause de la fréquente bifurcation des sarmens des vignes malades. Or la description même des symptômes prouve avec évidence que ce devait être ou le cottis des Charentes ou l’anthracnose du midi de la France décrite par Esprit Fabre et Dunal.

Il serait oiseux d’insister sur ces argumens lorsqu’il est facile d’établir d’une part que le phylloxera est indigène en Amérique, et de l’autre qu’il a été récemment introduit en Europe. Sur le premier point, deux faits sont importans à noter : d’abord l’existence générale de l’insecte sur les vignes sauvages et cultivées de l’Amérique (à l’est des Montagnes-Rocheuses, c’est-à-dire abstraction faite des états et territoires du Pacifique) depuis le Canada jusqu’à la Floride, et de la Floride au Texas, — ensuite la découverte de galles de phylloxera sur les feuilles d’un exemplaire de vitis monticola, recueilli au Texas en 1834 par le botaniste Berlandier. J’ai vu récemment cet exemplaire dans l’herbier du docteur Engelmann, de Saint-Louis, l’homme qui connaît le mieux les espèces de vignes américaines. Ainsi l’existence du phylloxera aux États-Unis a pu être constatée jusqu’à quarante années en arrière ; si nous ne pouvons remonter plus haut, c’est que les documens font défaut. En fouillant dans les vieux herbiers du pays, peut-être y trouverait-on de ces galles accusatrices. Ajoutons que la culture de la vigne est relativement récente aux États-Unis, que la vigne européenne n’a jamais pu y prospérer, que plusieurs cépages de ce pays résistent à ce parasite, et l’on s’expliquera comment le phylloxera a pu longtemps y vivre inaperçu, tandis que le même insecte, s’il était autochthone dans notre Europe, aurait de tout temps, comme aujourd’hui, compromis la culture de nos vignes.

Passons maintenant aux preuves de l’importation, du phylloxera

  1. La terre ampélite de Strabon…, — sorte de terre bitumineuse.
  2. Le dactylopius longispinus (Targioni Tozzetti).