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infestent les champs et les jardins des États-Unis, en revanche c’est de la Plata que nous viennent les lampourdes et certains amarantes, véritable peste des vignobles du sud de l’Europe ; l’érigeron du Canada pullule dans nos terrains sablonneux, une obscure plante aquatique, l’elodea canadensis, obstrue les canaux et les rivières en Écosse, en Angleterre, en Allemagne ; une moisissure insidieuse, le peronospora infestans, attachée à la pomme de terre, affame l’Irlande et effraie l’Europe ; une autre cryptogame américaine, l’oïdium, ravage les vignes de notre continent et des îles Atlantiques ; enfin comme pour se venger de nos importations nuisibles, — rats, blattes, chenilles du chou, pucerons du rosier et autres, cochenilles, charançon du blé, — les États-Unis nous envoient en moins d’un siècle deux insectes éminemment destructeurs, le puceron lanigère, fléau des pommiers, et le phylloxera vastatrix, qui s’est déjà trop fait connaître comme ravageur des vignes et surtout de la vigne européenne.

En consacrant quelques pages à cet infime animalcule, mon intention n’est pas d’en décrire par le menu les caractères et les mœurs ; je ne traiterai que des questions d’ensemble, telles que l’origine de l’insecte, sa diffusion graduelle dans les vignobles d’Europe, son vrai rôle dans la destruction des vignes, les modes de défense à employer contre ses ravages, enfin les moyens de replanter nos vignobles avec des cépages auxquels une constitution spéciale permettrait de lutter contre l’ennemi ou même d’échapper à ses atteintes.


I.

Le phylloxéra est originaire des États-Unis d’Amérique. Cette assertion, contredite par quelques-uns, a besoin d’être démontrée et justifiée ; heureusement les preuves abondent et vont ressortir de l’historique même de la découverte de l’insecte.

En 1854, un entomologiste américain, M. Asa Fitch, chargé par l’état de New-York de l’étude des insectes utiles ou nuisibles à l’agriculture, découvrit, sur des vignes du pays, de petites galles ou verrues creuses faisant saillie à la surface inférieure de la feuille et s’ouvrant à la face supérieure par un orifice étroit et garni de poils. Au fond de chaque galle, il vit une sorte de pou à corps rebondi et convexe, à pattes courtes, à suçoir plongé dans le tissu de la feuille, à antennes coupées en bec de flûte. Presque inerte dans son étroite cellule, cette recluse, invariablement femelle, n’était qu’une sorte de machine à pondre, car ses œufs, accumulés autour d’elle, dépassaient parfois le chiffre de plusieurs centaines. De ces œufs sortaient