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exemplaire, nulle fatigue ne les a rebutés ; le ministre de l’agriculture et du commerce a écrit plusieurs fois au directeur de l’octroi pour le féliciter du personnel qu’il avait mis à sa disposition. Ils ont le cœur bon et compatissant comme la plupart des vieux troupiers, qui, ayant souffert et ayant vu souffrir, savent venir en aide aux malheureux. Il ne se passe pas de mois sans que les employés ne fassent entre eux une collecte pour secourir la veuve, l’enfant, le père d’un camarade mort. J’ai plusieurs de ces listes de souscription sous les yeux : 10 centimes, — 20 centimes, — les plus riches en donnent cinquante ; mais nul ne refuse, chacun apporte son obole, et le total arrive toujours à un chiffre de 800 à 900 francs.

L’administration, qui est fort économe et qui, en parvenant à faire ses énormes perceptions avec 5,80 pour 100 de frais, donne un exemple qu’on n’imite pas assez, ne regarde jamais à délier les cordons de sa bourse dès qu’il s’agit de soulager ses agens dénués, ou de récompenser leurs actes de dévoûment. La caisse de retraite reçoit de grosses sommes tous les ans, — 544 792 francs en 1873, — et les hommes ; de peine ou leurs veuves ne sont pas plus oubliés que les autres employés. La direction est fort paternelle ; elle ne punit jamais sans avoir préalablement averti, et, lorsqu’elle se décide à sévir, elle ne le fait qu’après avoir interrogé les coupables. Tous les jeudis, la commission se réunit sous la présidence du directeur ; les régisseurs sont près de lui, ainsi que le chef du personnel, le secrétaire et les inspecteurs. Les rapports des inspecteurs relatant les infractions au règlement reprochées aux employés et proposant la punition encourue sont réunis entre les mains du président, ainsi que le dossier spécial de chaque incriminé. Les délinquans sont dans une salle voisine assez penauds et l’oreille basse, car c’est toujours pour eux une rude émotion d’affronter l’interrogatoire et peut-être les reproches du directeur lui-même. Un rapport est lu ; le dossier de celui qui en est l’objet est consulté : que disent les notes sur la moralité, l’instruction, l’esprit de discipline, la santé, le caractère ? On fait entrer le coupable ; il salue tout le monde, tourne son képi entre ses doigts, tousse volontiers, et ne sait sur quelle jambe s’appuyer. J’ai assisté à l’une de ces séances ; sauf une affaire spéciale qui n’était pas un acte d’octroi, les griefs que l’on peut reprocher à ces pauvres diables sont bien minimes : aussi les punitions ne sont pas graves, — un jour de retenue des appointemens, deux jours après récidive ; mais, comme le produit de ces amendes est réservé à la caisse de retraite, c’est toujours l’employé qui finit par en profiter. En résumé, d’une part je n’ai vu que des peccadilles, et de l’autre j’ai reconnu une sérieuse indulgence mêlée à un grand esprit de justice. Les préposés redoutent beaucoup