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L’octroi se mit à l’œuvre ; c’était une besogne spéciale qui exigeait des connaissances appropriées, on ne put donc pas s’adjoindre d’employés supplémentaires ; de plus les opérations de chaque jour, — ce que l’on nomme le courant, — ne pouvaient pas chômer ; tout le monde s’y consacra avec un zèle admirable ; jour et nuit, on fut au devoir, et, je le dis à la louange de l’octroi, nul ne fit défaut à la tâche imposée. Tous les registres, — ils sont au nombre de 35 dans chaque roulette, — de tous les postes de Paris qui, eux du moins, n’avaient point été détruits, furent compulsés ; on y releva les entrées quotidiennes inscrites au nom des entrepositaires depuis le 1er janvier 1870 jusqu’au 17 mars 1871 ; on refit ainsi bribe à bribe, bulletin par bulletin, toute cette comptabilité que les flammes de la commune avaient dévorée. Chaque compte nominatif fut reconstitué, fut collationné avec les livres de l’industriel auquel il appartenait, fut reconnu exact, au grand étonnement de quelques-uns, et devint preuve irrécusable des créances de la ville. Or ces comptes réunis produisaient une somme de 7 500 000 francs sur laquelle plus de 7 millions sont encaissés aujourd’hui ; 400 000 francs seront rentrés avant peu, et de cette créance, qui paraissait si douteuse que l’on aurait pu la croire compromise à jamais, il ne résulte que quelques difficultés relatives à une centaine de mille francs sur lesquels on saura certainement mettre la main. C’est là un tour de force qui fait le plus grand honneur à l’administration de l’octroi, car on n’a pu l’obtenir qu’en déployant une énergie, une sagacité et un dévoûment sans pareil.

Le système qui a prévalu pour les gros commerçans et les usiniers depuis le 1er janvier 1860 a pris fin aujourd’hui ; un décret du 10 janvier 1873 a résolu la question en établissant un mode de compensation et d’abonnement fixe, variant de 200 à 500 francs, qui fonctionne depuis le 21 août 1873. L’expérience prolongée peut seule permettre de porter un jugement sérieux en semblable matière, nous devons donc nous abstenir de toute appréciation ; mais dès à présent on peut dire que l’octroi n’aura pas à y gagner. On a eu pour but de protéger l’industrie parisienne, si cruellement éprouvée depuis quelque temps, et l’on n’a pas eu tort. N’est pas admis qui veut aux bénéfices de l’entrepôt à domicile ; il faut offrir quelque surface, et n’être point le premier venu. L’administration de l’octroi a sagement imposé des conditions qui mettent sa responsabilité à l’abri. Elle a fixé un minimum pour l’introduction des combustibles et des matières à fabriquer ; en outre le minimum de la réexportation doit être des deux cinquièmes ; grâce à ces dispositions très conciliantes, 1 313 chefs d’établissemens n’ont pas été forcés d’aller chercher fortune ailleurs. Par cette tolérance, l’octroi