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par Homère que l’art antique voulait ainsi célébrer ; c’était bien plutôt, par une inspiration supérieure, l’ineffable triomphe de la grâce et de la douceur tempérant, au sein de l’union conjugale, l’ardeur active et la force. À en juger d’après ces représentations analogues, le Mars devait être placé à gauche de la Vénus ; un groupe du musée de Florence montre ainsi la déesse posant la main gauche sur l’épaule gauche du dieu, tandis que, de la main droite, elle paraît vouloir lui ôter son baudrier. La Vénus n’aurait donc pas été penchée vers la droite, comme la nôtre l’est aujourd’hui ; mais c’est le lieu de rappeler les curieuses observations à la suite desquelles, après le séjour qu’a fait la statue dans les caves humides de la préfecture de police lors du siége de Paris, M. Ravaisson a démontré que son inclinaison actuelle n’est pas authentique. Ajoutons cette curieuse circonstance, que la Vénus de Milo est d’un travail imparfaitement achevé soit de dos, soit au côté gauche, ce qui semble démontrer qu’elle n’était pas destinée à être vue autrement que de face et par la droite.

Autour de la Vénus de Falerone se voient dès aujourd’hui plusieurs variantes du type principal, et se verront bientôt les reproductions des statues et groupes dont les analogies paraissent à M. Ravaisson autoriser sa conjecture. Quant aux variantes de la déesse, voici la Vénus de la villa Albani, celle du jardin Roboli de Florence, entièrement vêtue, et dont les ressemblances avec celle de Falerone sont évidentes ; puis la Vénus du jardin de la Pigna au Vatican : son vêtement très soigné et certains détails de costume paraissent la faire remonter, elle aussi, au plus beau temps ; ensuite la Vénus de Capoue, du musée de Naples, dont le pied gauche s’appuie, comme celui de la Vénus de Falerone, sur un casque, et enfin la Victoire de Brescia. Il y aurait lieu d’ajouter, si l’on voulait, beaucoup d’autres souvenirs, la Victoire de la colonne Trajane par exemple, les représentations de plusieurs pierres gravées, etc. Quant à la question de groupe, on a des raisons de croire que les deux dernières statues, celle de Capoue et celle de Brescia, étaient jointes à un Amour, représenté sous la forme d’un éphèbe et moins grand qu’elles ; aussi abaissent-elles la tête et le regard. Les précédentes devaient être groupées avec un Mars et offrir sous cette double forme le type primitif. M. Ravaisson va jusqu’à penser que ce Mars n’était autre que le type reproduit par la célèbre statue improprement appelée, suivant lui, l’Achille Farnèse. En rapprochant cet Achille de la Vénus de Milo, en prolongeant les bras de celle-ci suivant le modèle de la Vénus de Brescia, il obtient un ensemble très pareil aux deux groupes représentant Adrien et Sabine sous les traits de Mars et de Vénus, qui sont au Capitole romain et au Louvre. Tous ces monumens sont réunis sous les yeux du spectateur, qui peut juger, après avoir relu les argumens exposés naguère ici même, de la restauration proposée.