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hui, dans la salle nord-est de la cour carrée du Louvre, qui renfermait naguère les sculptures grecques primitives, la collection par lui formée des monumens pouvant servir à certaines solutions de ces questions diverses. Il a groupé autour de la Vénus de Falerone les reproductions en plâtre d’un certain nombre de statues, appartenant à différens siècles de l’antiquité, et offrant les variantes plus ou moins prononcées du même type. Il devient évident que ce type a été classique et longtemps consacré ; on le retrouve sous des transformations diverses à des époques très éloignées entre elles.

Quelle était l’entière attitude de la déesse, et comment faut-il se figurer le type primitif ? Suivant les uns, nous devons croire à une statue représentant Vénus victorieuse de Junon et de Pallas, ses rivales ; de la main gauche, elle montrait son trophée, le fruit destiné à la plus belle, la pomme que Pâris venait de lui décerner. Ce serait cette main gauche, tenant la pomme, fragment d’un marbre peut-être identique et trouvé au même endroit, que posséderait le musée du Louvre (on peut le voir, avec un fragment de bras, dans une vitrine du musée Charles X). Aujourd’hui encore, dans l’île de Milo, où s’est conservé très vivant le souvenir de cette mémorable découverte, on entend répéter parmi le peuple que la Vénus, lorsqu’on la trouva, tenait de la main gauche une pomme en bronze et l’extrémité d’une ceinture du même métal, qui, suspendue, tombait vers son autre main. Suivant d’autres cependant, la statue figurait la nymphe protectrice de l’ancienne île de Mélos ; si elle tenait une pomme, c’était que le nom de l’île, qui était toute ronde, avait pour origine le mot même qui, en grec, désigne tout fruit de forme analogue, et en effet, sur les médailles de cette île, on voit un fruit semblable à une pomme ou à une grenade. Ou bien c’était une muse tenant de la main gauche une lyre et, de la droite, la faisant résonner. Ou bien encore c’était une Victoire, et il est certain qu’on peut noter des analogies très remarquables entre la Vénus de Milo et la célèbre Victoire de Brescia ; mais il faut vite ajouter que les termes de la question devraient ici sans doute être retournés : les ailes et le bouclier qui distinguent la statue de Brescia seraient, pense M. Ravaisson, des additions ultérieures, probablement du temps de Vespasien, fondateur du temple dans les ruines duquel ce monument a été découvert, de sorte que la statue de Milo demeurerait le type, et celle de Brescia une transformation.

Reste une autre conjecture, celle de Quatremère de Quincy, à laquelle se joint résolûment M. Ravaisson. Il faudrait, suivant eux, se représenter un groupe primitif, Vénus apaisant et désarmant Mars ; on a, dans les diverses galeries d’Europe, plusieurs monumens qui, reproduisant cette double image, offrent pour la déesse la même attitude que nous voyons à notre célèbre statue. Ce n’étaient pas les amours furtives racontées