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LE

PASSAGE DE VÉNUS

DU 9 DÉCEMBRE 1874

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Rien n’est définitif en matière de science. Les vérités expérimentales sont essentiellement instables et provisoires, et ce qu’on appelle la précision d’un chiffre n’est souvent qu’une fiction qui fait loi jusqu’au jour où elle est détrônée par une autre fiction. L’histoire des sciences d’observation prouve, hélas ! qu’on n’en a jamais fini avec un problème, que les mesures sont toujours à recommencer, que les résultats les plus probables ne sont pas nécessairement ceux qui approchent le plus de la vérité, et que le progrès peut consister à revenir sur nos pas. Les efforts des hommes pour atteindre la vérité sont longs et pénibles comme la course acharnée de l’aiguille des minutes qui doit faire douze fois le tour du cadran avant que la petite aiguille qui marque le progrès des heures n’en fasse le tour une fois. Que de force, de génie, de patience, se dépensent souvent pour reconnaître qu’on s’est trompé, que tout est à refaire ! Les astronomes surtout savent ce que représente en fatigues et en veilles la moindre modification apportée à ces nombres qu’on nomme les constantes, et qui sont pour ainsi dire les pivots de leurs formules. Sans cesse aux prises avec l’immensité, pour eux il s’agit de mesurer l’inabordable ; ils ne peuvent suppléer à l’insuffisance des moyens d’observation qu’en accumulant les mesures comme les grains de sable. Pour rectifier un chiffre, il faut souvent des milliers et des milliers d’observations péniblement amassées. Pour avoir le droit d’ajouter ou de retrancher une fraction de seconde, on organise des expéditions qui coûtent des centaines de mille francs, et des observateurs exercés s’en vont affronter des climats meur-