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cueil l’opinion publique fit à l’établissement de la cour plénière ; le parlement de Rennes déclara infâmes ceux qui consentiraient à en faire partie, et trois mois après l’avoir instituée, le 8 août, Louis XVI en prononça la dissolution, en fixant la convocation des états-généraux au 1er mai 1789.

Ces sages résolutions étaient de nature à rassurer les esprits ; mais huit jours ne s’étaient pas écoulés qu’un édit relatif au mode des paiemens, celui du 16 août, venait ranimer les inquiétudes. « La confiance publique, disait Louis XVI dans cet édit, a été altérée par ceux même qui devaient conspirer à la soutenir ; les emprunts publics ont été contrariés… L’intempérie des saisons, en exigeant des secours, a rendu les recouvremens plus difficiles, les services sont devenus plus laborieux, les ressources ont été plus rares… Tout fait craindre qu’un emprunt offert dans ce moment au public, comme les emprunts précédens, ne soit tenté sans succès, et il devient nécessaire d’y suppléer par une opération qui produise les mêmes résultats sans laisser la même incertitude. » Quelle ressource restait-il donc à ce gouvernement qui se trouvait dans une égale impossibilité d’établir de nouveaux impôts, de faire exactement rentrer les anciens et de recourir au crédit ? Il lui restait la ressource du papier-monnaie, et c’était ce papier que créait l’édit du 16 août en le déguisant sous le nom de « billets du trésor royal payables à un an de date. » À l’exception de la solde de l’armée, de celle de la marine, des rentes au-dessous de 500 livres, des appointemens au-dessous de 1 200 livres, qui devaient être acquittés comme par le passé en espèces courantes, tous les autres paiemens se faisaient, soit pour la totalité en billets du trésor, soit moitié en billets, moitié en argent, ceux-ci pour les trois cinquièmes en argent et les deux cinquièmes en billets, ceux-là pour les cinq huitièmes en argent et les trois huitièmes en billets. Ces billets portaient intérêt à 5 pour 100, et devaient être reçus comme argent comptant et par préférence dans les caisses publiques, lorsque les circonstances permettraient d’ouvrir un emprunt.

L’émission des billets du trésor fut le signal d’une nouvelle agitation, et le 14 septembre un arrêt du conseil révoqua les dispositions de l’édit du 16 août en annonçant que les dépenses publiques continueraient à être payées argent comptant ; mais, en même temps qu’il retirait les billets, le gouvernement maintenait le cours forcé des bons de la caisse d’escompte. Tous les efforts tentés par Louis XVI pour rétablir l’équilibre avaient échoué l’un après l’autre. La banqueroute était inévitable ; le malheureux prince fit appel aux états-généraux pour la conjurer ou plutôt pour déposer son bilan. Les états-généraux, impuissans comme lui à sortir d’une situation sans