Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/425

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Henri II suivit de point en point la tradition de son père : même arbitraire dans l’établissement des impôts, mêmes expédiens, mêmes prodigalités ; il invente une foule de contributions nouvelles, entre autres la taxe des clochers. Des troubles graves éclatent sur divers points du royaume. Henri II, forcé de s’arrêter devant les murmures des contribuables, se rejette sur les emprunts par constitution de rentes, et il en use si largement qu’en treize ans la dette publique s’élève de 3 millions à 43. La situation financière est plus triste encore sous Charles IX et Henri III, « ces maîtres toujours pauvres de serviteurs gorgés d’or, » comme les appelle un ambassadeur vénitien. Les guerres religieuses, le favoritisme, une politique tortueuse qui se soutient par le parjure, le massacre et l’assassinat, — le gaspillage, conséquence inévitable de la corruption du pouvoir, épuisent les ressources contributives du royaume, et de nouvelles inventions fiscales viennent aggraver la misère publique. Charles IX érige le commerce des grains en monopole royal, et le met aux enchères, Henri III déclare le droit de travailler un droit domanial que nul ne peut exercer sans lui payer finances ; — il applique aux gabelles, aux aides et aux tailles le système expéditif du doublement, il confisque les deniers destinés au paiement des rentes de l’Hôtel de Ville, et il inaugure ainsi la série de banqueroutes qui frapperont périodiquement dans les derniers siècles les porteurs de ces rentes.

Les états-généraux avaient été convoqués à Orléans en 1560, à Blois en 1576 et 1588 ; les notables l’avaient été à Moulins en 1566, et chacune de ces grandes assemblées avait fait entendre de sages avis. Trois ordonnances, dont deux furent rédigées sous l’inspiration du chancelier de L’Hospital, celles d’Orléans et de Moulins, furent promulguées pour mettre un terme aux abus signalés par les députés du royaume ; mais ce n’était pas avec une reine toute-puissante qui faisait de Machiavel le bréviaire de sa cour et des astrologues ses conseillers ordinaires, ce n’était pas avec des princes qui égorgeaient leurs sujets dans des guet-apens nocturnes ou dont les vices outrageaient la nature, que les lois pouvaient exercer leur empire ; rien ne fut changé dans le gouvernement et l’administration des finances jusqu’au jour où le couteau de Jacques Clément vengea les Guises. Jamais la France n’avait été plus misérable et plus rançonnée que sous Henri III : de 1580 à 1589, 800 000 individus étaient tombés victimes des guerres civiles, neuf villes avaient été rasées, deux cent cinquante villages incendiés et non rebâtis, cent vingt-huit mille maisons détruites ; le total des impôts, après avoir donné 417 500 000 livres pour les dix-sept années du règne de Louis XII, soit en moyenne 24 560 000 livres, s’était élevé en trente-deux ans,