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accordée aux veuves, aux orphelins, aux vieillards, aux commensaux du roi, à une certaine classe des propriétaires désignée sous le nom de romani possessores, à diverses églises et à la plupart des monastères. Ainsi, dans la monarchie mérovingienne, les deux races qui se sont juxtaposées sur le sol de la Gaule acquittent toutes deux des contributions publiques ; mais elles ne les acquittent pas au même titre, et ces contributions elles-mêmes ont un caractère différent, selon leur origine romaine ou germanique.

Les contributions d’origine romaine sont le cens royal ou public[1], qui se percevait sur les domaines fonciers, les esclaves qui les cultivaient et le bétail, — la capitation, qui se percevait par tête, — les péages des ports, des routes, des ponts et des rivières, — les taxes sur les voitures, les prélèvemens en nature sur les blés, les vins et autres denrées de première nécessité. L’analogie est complète entre le fisc mérovingien et le fisc impérial, ce sont les mêmes rouages administratifs ; les officiers qui président au recensement sont désignés sous le même nom, descriptores, le mode de perception est identique, et la même âpreté arrache aux populations les mêmes cris de douleur. Les contributions d’origine germanique se réduisent à des prestations en nature telles que chevaux, chiens, oiseaux de chasse, armes, livres, objets d’or et d’argent, que les hommes libres offraient chaque année au prince sous le nom de dons annuels. Le cens royal, les taxes sur les denrées, les dons annuels, formaient les impôts directs et indirects, mais ils ne représentaient qu’une partie des ressources du trésor mérovingien. Il faut compter encore parmi ces ressources les produits des amendes payées par les violateurs de la paix publique et par ceux qui ne répondaient pas à l’appel du roi lorsqu’ils étaient convoqués pour son service, — les confiscations judiciaires, l’héritage des serfs affranchis morts sans enfans, — la corvée, qui paraît dès le vie siècle comme une transformation du travail servile appliqué aux besoins du royaume, — les mines, les pâturages, les forêts et les terres vagues, les villœ ou métairies royales, qui formaient le domaine propre des Mérovingiens, car les Francs, au moment de leur établissement dans les Gaules, s’étaient emparés de tous les biens qui appartenaient au fisc romain, et en avaient fait le dépôt entre les mains de leurs chefs, qui se trouvèrent par là substitués aux empereurs dans la possession d’une certaine partie du territoire. Au caractère politique et militaire des rois s’ajoutait ainsi le caractère de grands propriétaires fonciers, et comme tels ils avaient un trésor

  1. Grégoire de Tours parle du cens public comme d’un impôt très ancien dont il avait fallu changer l’assiette par suite des modifications que le temps avait apportées dans la condition de la propriété et des contribuables.