Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout est arbitraire et préjugés, plutôt que du principe même de la pluralité des femmes, trouveront dans les récits de Mme Stenhouse la réfutation de cette erreur. Ils verront les conséquences de la polygamie dans un pays nouveau et plein de sève, sur une société libre, industrieuse, tolérante, unie, quoiqu’elle soit composée d’hommes de toutes les races, fort avancée sous bien des rapports dans la civilisation, et où le baptême est donné au nom de Jésus-Christ.

II.

On sait que la polygamie ne s’introduisit point dans l’église mormonne sans de violens combats qui ont abouti à un schisme. Il n’était pas encore question de ce dogme, dû à une révélation posthume qu’aurait, selon Brigham Young, reçue le premier voyant, Joseph Smith, quand celle qui devait devenir Mme Stenhouse entra dans la société des saints. C’était une jeune Anglaise de Jersey appartenant à la secte baptiste. Vers l’âge de quinze ans, elle était allée en France exercer dans une pension catholique les fonctions de professeur d’anglais. L’isolement exalta chez elle l’ardeur et les scrupules de la foi ; souvent, tout en assistant à des cérémonies religieuses étrangères auxquelles sa conscience refusait de croire, elle songeait troublée : « s’il y avait du moins sur la terre un prophète à qui je pusse aller demander que faire pour être sauvée ? » Au bout de six ans, elle obtint un congé qui lui permit de rendre visite à ses parens, récemment convertis au mormonisme, La nouvelle de cette conversion lui fut donnée par son beau-frère, qui était lui-même un mormon apostat ; il parlait de ses anciennes croyances d’une façon peu flatteuse, mais la jeune fille ne put admettre que les êtres qu’elle vénérait le plus se fussent trompés aussi grossièrement ; elle résolut d’étudier cette religion en vue de signaler à sa mère les erreurs qui la frapperaient. Pour cela, elle assista une première fois à un meeting mormon, et malgré ses préventions ne trouva dans l’enseignement rien de contraire au christianisme ni à la raison. Son père et sa mère lui parurent remplir leurs devoirs comme auparavant ; mais ses sœurs avaient changé, car elles abandonnaient tous les amusemens de leur âge pour de bonnes œuvres. Elle ne tarda pas à être convaincue par les sermons de l’ancien Stenhouse. Il lui dit qu’il était le serviteur de Dieu envoyé pour prêcher la délivrance, il l’exhorta vivement au baptême pour la rémission de ses péchés. Tout cela répondait aux désirs de son âme et ne contrariait en rien l’Écriture : l’ancien Stenhouse était jeune, éloquent, enthousiaste ; elle se laissa bapti-