Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/236

Cette page a été validée par deux contributeurs.

financières croissantes, un commencement de querelle avec les États-Unis, c’est là le résumé certes peu rassurant de ces dix derniers mois pour l’Espagne. Où en sont aujourd’hui tous ces incidens d’une histoire si agitée ? Heureusement voici une de ces complications espagnoles qui semble prendre une tournure nouvelle et même inattendue, c’est la complication extérieure, celle qui s’était élevée avec les États-Unis au sujet de la capture du Virginius par les autorités maritimes de Cuba. L’Espagne, il est vrai, s’était déjà exécutée : ne pouvant songer à résister, elle avait rendu le navire que les Américains réclamaient durement, elle était prête à donner jusqu’au bout toutes les satisfactions ; mais c’est ici justement que la question a changé tout à coup de face, au profit de l’Espagne. Les autorités judiciaires des États-Unis ont reconnu en effet que le Virginius n’avait pas le droit de se couvrir du pavillon américain, que par conséquent cette capture avait été légitime. Certes cette décision prise même en présence de la résolution du gouvernement et de la restitution du navire déjà réalisée, cette attestation du droit est des plus honorables pour les autorités judiciaires des États-Unis, qui n’ont pas voulu sanctionner le fait accompli ; le gouvernement de Washington se trouve néanmoins par cela même dans une situation singulièrement équivoque. Le mieux est maintenant pour le cabinet de Madrid de profiter de la circonstance pour en venir à une solution complète, définitive, plus équitable ou moins défavorable.

Malheureusement l’Espagne n’a que le choix des embarras, et les difficultés les plus graves pour elle sont à l’intérieur, d’abord dans les insurrections qu’on ne peut pas vaincre, qui à chaque instant menacent de s’étendre ou de se rallumer. Il y a plus de quatre mois déjà que Carthagène est au pouvoir des communistes ou fédéralistes, on ne sait de quel nom les nommer ; il y a plus de trois mois qu’on est en opérations devant cette ville, qu’on l’assiége, dit-on, qu’on va la cerner et la prendre. Le fait est qu’après avoir envoyé successivement trois généraux en chef, on n’a nullement pris Carthagène, qu’on l’assiége toujours, et que pour tout bulletin de victoire on annonce qu’on a ouvert une tranchée, qu’on a placé une batterie, qu’on a repoussé une sortie des insurgés. La ville tombera d’ici à peu sans doute ; mais enfin ce siége de Carthagène a déjà duré autant que le siége de Paris ! On commence à craindre maintenant que l’incendie révolutionnaire ne se rallume dans d’autres villes. Au nord, l’armée du gouvernement a tout autant de succès avec les carlistes, on va de victoire en victoire, assurent les bulletins ; on a ravitaillé Tolosa, car on en est là, il faut ravitailler les villes de l’intérieur des provinces basques. Le général Moriones, le brigadier Lona, menacent de toutes parts les carlistes. Oui, seulement ce qu’est devenu Lona, on ne le sait pas, et Moriones vient d’être obligé de s’embarquer avec ses troupes du côté de Saint-Sébastien, sur la mer de Biscaye, pour aller débarquer du côté de Santander. Était-il hors d’état