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hommes d’état hongrois. On ne pouvait brusquer des sentimens qui se manifestaient avec une vivacité bruyante. Enfin l’Autriche, surprise par les événemens, mal remise de ses épreuves, n’était nullement préparée à la guerre ; elle avait, dans tous les cas, besoin de temps et de prudence pour ses armemens. L’Italie elle-même, qui était sans doute disposée à partager la fortune de la France, et avec laquelle il fallait d’ailleurs s’entendre au sujet de Rome, d’où l’on devait retirer ce qu’il y avait encore de forces françaises, l’Italie n’était pas plus prête que l’Autriche pour une action immédiate.

Qu’on mette les choses au mieux : malgré tout, il y aurait eu, dit-on, entre le 20 juillet et le 4 août, un traité ou un projet de traité, non plus entre la France, l’Autriche et l’Italie, mais entre ces deux dernières puissances. Et qu’aurait-il dit, ce traité ? Il aurait prévu, réglé l’action combinée de l’Autriche et de l’Italie, — lorsque la France serait sur le Rhin, lorsqu’elle aurait pénétré dans l’Allemagne du sud, de façon à pouvoir donner la main à l’armée autrichienne et à l’armée italienne s’avançant sur la Bavière ! Ce traité, dans tous les cas, n’aurait eu d’effet que vers le 15 septembre, bien entendu si rien jusque-là n’avait compromis la situation militaire de la France. Cela signifiait en définitive que tout dépendait de ce qui arriverait jusqu’au 15 septembre, de ce que la France aurait pu faire par elle-même, par ses propres forces, et c’était la preuve la plus évidente de l’imprudence qu’on avait commise en précipitant les choses, lorsqu’avec un peu d’habileté, avec des négociations, on pouvait gagner au moins quelques semaines peu utiles pour la Prusse, singulièrement profitables pour nous. — J’ai parlé du Danemark, était-on plus avancé de ce côté ? Le général Trochu, destiné à un commandement dans le nord, écrivait le 23 juillet que ce jour-là même il venait de rencontrer aux Tuileries le duc de Cadore, qui lui avait annoncé « son prochain départ pour Copenhague, où il allait tâcher de réaliser l’entente avec le Danemark. » La question la plus essentielle, dont la solution devait fixer le gouvernement sur la possibilité ou l’impossibilité d’une opération dans la Baltique, cette question, dit le général Trochu, « n’avait pas été traitée, encore moins résolue. Neuf jours après la déclaration de guerre, le diplomate qui devait être chargé de cette négociation était encore à Paris ! » Est-ce là ce qu’on appelait avoir des alliances ?

La question est bien plus tristement claire pour l’Allemagne du sud. Ici, j’en conviens, le terrain était devenu étrangement difficile depuis 1866. Toujours partagés entre la fascination de l’idée allemande et le sentiment inquiet de leur indépendance, les états du sud avaient à supporter tout l’effort de la Prusse, qui les serrait, qui les enlaçait de ses influences, qui les tenait déjà par les traités militaires