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ces voies étaient la condition vitale et indispensable de l’avenir du Pérou ; mais le général Castilla était absorbé par les préoccupations de sa politique, et, lorsqu’en 1868 le général don Pedro Diaz Cameco, qu’une révolution venait de placer à la tête des destinées du pays, rendit une loi pour l’étude des différens chemins de fer intéressant la république, sa courte apparition au pouvoir fut bientôt suivie du régime le plus néfaste par lequel un pays ait jamais passé. L’esprit borné et l’administration corrompue du colonel Balta firent de ce qui devait être le salut du pays l’instrument même de sa ruine. Le remède fut pire que le mal. On voulait des chemins de fer en moins de quelques mois ; sans se préoccuper des ressources dont on pouvait disposer ni de l’utilité qu’ils pouvaient avoir, on en décréta une dizaine qui tous plus ou moins furent immédiatement entrepris pour le compte de l’état. Un budget équilibré de 150 millions de francs, et dont les recettes provenaient pour les deux tiers des revenus épuisables du guano, se trouva de la sorte grevé tout à coup d’un passif excédant un demi-milliard, auquel il fallut faire face par des emprunts. C’est là l’origine des lourdes charges qui pèsent aujourd’hui sur le pays et menacent de paralyser à jamais ceux de ces importans travaux qui étaient réellement utiles.

Le principal de ces railways, le seul peut-être qui méritait un sacrifice aussi grand, c’était, comme nous l’avons dit, le chemin de fer central transandin. À la construction de cette ligne se rattache en effet, en dehors des intérêts commerciaux, un intérêt politique de premier ordre. Les principales richesses du Pérou, celles qui forment pour lui les véritables garanties de l’avenir, résident de l’autre côté des Andes. Là, sous un climat délicieux, l’émigration étrangère semble appelée à un degré de prospérité dont ceux qui, comme nous, ont visité ces contrées peuvent seuls se rendre compte ; mais, si ces provinces restent isolées de la côte, n’est-il pas naturel que peu à peu, le centre de leurs intérêts se trouvant déplacé, elles ne tardent plutôt à se rapprocher du Brésil, vers lequel les conduit le plus beau bassin fluvial qui se rencontre dans le monde ?

Lorsque furent mis à l’étude les différens tracés, l’importance de Lima, capitale de la république, et du Callao, son principal port, mettait hors de discussion le point de la côte par où devaient s’exécuter les travaux de la ligne. Trois vallées convergent vers ce point, et appelèrent l’attention des ingénieurs, c’étaient celles de Chancay, du Rimac et de San-Damian, toutes trois également fertiles et reliant la côte à des points importans : la première mène en droite ligne au Cerro de Pasco, qui est un centre minier fort riche, un lieu d’activité et de production qui ne peut que gagner ; la seconde conduit plus directement au Chanchamayo, pays aujourd’hui peu connu, mais dont j’ai pu constater l’incroyable richesse forestière et