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ner jusqu’à 500 francs pour tirer le même objet à 50 lieues de Lima. Quant aux voies de navigation fluviale, il n’y fallait point penser ; le simple examen de la carte suffit pour s’en convaincre, et l’on a peine à croire qu’un esprit sérieux ait jamais pu concevoir un projet de canal « qui, partant du Pacifique, devait aboutir à l’un des affluens de l’Amazone. » Il ne faut pas oublier en effet qu’entre les points navigables de l’Amazone ou de l’un de ses affluens, s’il s’en trouve quelques-uns qui ne soient guère distans de plus de 60 lieues du Pacifique, il reste à franchir la chaîne des Andes et 5 000 mètres d’élévation.

Cette jonction se fera pourtant, elle est même aujourd’hui en pleine voie d’exécution, mais c’est au moyen d’un chemin de fer qui, partant du port du Callao, escalade les pentes des Andes à des hauteurs inabordées jusqu’alors pour redescendre ensuite dans le bassin de l’Amazone. Nous allons essayer de décrire les travaux de cette ligne, qu’il nous a été donné de parcourir à deux reprises différentes jusqu’aux points qu’elle doit atteindre un jour : ce n’est pas exagérer que d’affirmer qu’elle est l’œuvre la plus colossale qui ait été jusqu’ici tentée dans ce genre, l’une de ces entreprises qui immortalisent un homme et un peuple lorsqu’elles peuvent être menées à bonne fin.

Le Pérou, qui n’avait pas une route carrossable jusqu’à nos jours, possédait depuis 1848 deux lignes de chemin de fer de 10 à 15 kilomètres environ chacune et unissant la capitale au port du Callao et aux bains de mer de Chorillos. Si la première avait son utilité, la seconde était purement une ligne de plaisance ; toutes deux furent cependant pour les capitalistes qui l’entreprirent une excellente opération. Après vingt années, l’entreprise fut cédée à la compagnie anglaise qui l’exploite aujourd’hui avec avantage pour la somme de 15 millions de francs, et la maison qui servit d’intermédiaire à cette transaction put encore réaliser un bénéfice de 5 millions de francs sur un ouvrage dont les frais de premier établissement n’avaient pas dépassé 4 millions. Quoi qu’il en soit, on en était resté là, et jusqu’en 1869 l’idée de nouvelles voies ferrées semblait complétement abandonnée, lorsque l’arrivée au Pérou d’un capitaliste américain, M. Henry Meiggs, bien connu sur la côte du Pacifique et au Chili, où il avait construit le premier chemin de fer entre Valparaiso et Santiago, vint changer la face des choses. Déjà des plumes autorisées, celle de don Manuel Pardo, aujourd’hui président de la république, celle aussi de M. Malinowski, sous la direction duquel devait s’exécuter plus tard le premier railway transandin, avaient signalé au gouvernement l’utilité de nouvelles voies ferrées ralliant la côte aux riches contrées de l’intérieur. Dès 1859, M. Malinowski exposait au général Castilla, alors président du Pérou, que