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moins cette convention militaire, qu’il voulait absolument en faire un cadeau de Noël, un cadeau de jour de l’an, au plus tard un cadeau du jour des Rois, au tsar de Russie et à l’empereur d’Autriche, — à cette heure-là même toute l’Angleterre pouvait lire les déclarations du comte Malmesbury à la chambre des lords et de M. Disraeli à la chambre des communes. La reine ayant reçu notification du rétablissement de l’empire en France et de l’élévation de Louis-Napoléon à la dignité impériale, le ministère avait conseillé à sa majesté « de reconnaître promptement et complétement le nouveau gouvernement. » Lord Malmesbury ajoutait quelques explications au sujet du chiffre III, « seule objection, disait-il, qui aurait pu être faite par le gouvernement de la reine. » L’adoption de ce chiffre devait-elle signifier « que Louis-Napoléon descendait par succession directe et légitime du premier empereur, et que c’était en vertu de ce droit de descendance qu’il occupait naturellement le trône de France ? » Il eût été difficile de l’admettre. « Mylords, ajoutait le ministre, l’empereur actuel a pressenti cette difficulté, et avec sa franchise ordinaire il a fait notifier au gouvernement de la reine que ce chiffre ne devait pas avoir d’autre signification que celle-ci : à savoir que, dans l’ordre des temps et de l’histoire, et conformément aux usages français, il y avait eu en France deux souverains du nom de Napoléon avant l’empereur actuel. Ni l’un ni l’autre de ces souverains n’a été reconnu par l’Angleterre. Le chef du gouvernement français sait cela aussi bien que vos seigneuries, et il ne met pas ce titre en avant dans l’intention de revendiquer un droit émané du premier empereur. Le gouvernement français a écrit avec précision ces choses au gouvernement de la reine, et depuis lors nous avons lu le discours de l’empereur lui-même au corps législatif, discours où il a déclaré n’être souverain qu’au nom du peuple, ne revendiquer aucun droit héréditaire au trône, reconnaître indistinctement tous les gouvernemens qui ont existé en France depuis 1814, accepter tous les actes de ces gouvernemens et la solidarité du sien comme ayant recueilli cet héritage. Après cette déclaration aussi franche que satisfaisante, le gouvernement de la reine n’avait autre chose à faire que de reconnaître cordialement et sans retard la volonté de la nation française et d’envoyer à l’ambassadeur de la reine à Paris des lettres de créance près la nouvelle cour. » Voilà ce que lord Malmesbury avait dit à la chambre des lords le 6 décembre 1852 ; le même jour, M. Disraeli, chancelier de l’échiquier, avait fait la même déclaration à la chambre des communes. Telle était la décision suprême du gouvernement anglais au moment où Frédéric-Guillaume IV, poursuivant lord Derby de ses obsessions, lui offrait 100 000 hommes pour armer une coalition contre la France.