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du commerce des céréales, dirigée surtout contre les importations : l’approvisionnement du marché est alors l’intérêt qui domine ; il faut l’assurer, coûte que coûte. Sitôt que la crise est passée, on se retourne : ces importations, qui étaient naguère un bienfait, deviennent une menace, on craint qu’elles n’écrasent le marché. Après avoir pourvu aux nécessités de la consommation, il faut bien donner satisfaction aux intérêts de l’agriculture. En conséquence on relève contre l’importation, au moment même où la faiblesse de nos prix suffit à l’éloigner, des barrières qu’il faudra détruire plus tard, quand l’importation sera devenue à la fois possible par la hausse des prix et nécessaire par le déficit. En agissant ainsi, les gouvernemens contrarient évidemment tous les intérêts qu’ils veulent servir, car empêcher l’entrée, c’est empêcher aussi la sortie, c’est rendre notre stock moins considérable, notre approvisionnement moins régulier, nos prix moins uniformes et moins stables, et finalement notre agriculture moins prospère ; mais ces inconvéniens sont peu apparens, on s’y risque par la crainte d’un mal chimérique.

C’est là notre histoire dans ces dernières années. La loi du 30 janvier 1872 sur la marine marchande contenait deux dispositions s’appliquant aux céréales : l’une établissant sur les marchandises étrangères transportées par navires étrangers une surtaxe de pavillon de 75 centimes par 100 kilogrammes pour les provenances d’Europe et du bassin de la Méditerranée, de 1 fr. 50 cent, pour les provenances des pays hors d’Europe, en-deçà du cap Horn et du cap de Bonne-Espérance, et enfin de 2 francs pour les importations tirées des pays au-delà des caps, — l’autre frappant toutes les denrées d’origine extra-européenne d’une surtaxe d’entrepôt de 3 francs par 100 kilogrammes à leur importation des entrepôts d’Europe. Le moindre inconvénient des mesures de ce genre, c’est de ne durer qu’un jour. On les établit en temps d’abondance parce qu’alors les inconvéniens en sont moins sensibles ; mais la première cherté les emporte : l’expérience l’a dix fois démontré. Un décret du 29 août dernier a exempté les grains et les farines de ces surtaxes. Comme conséquence de cette exemption, un autre décret, en date du 18 octobre, a étendu à tous les bureaux de douane ouverts à l’importation des céréales la faculté de délivrer des acquits-à-caution d’admission temporaire, sous la condition expresse que la réexportation des farines ne pourra s’effectuer que par les bureaux de la douane faisant partie de la direction par laquelle l’importation aura été faite.

Ce sont là d’excellentes mesures, et si l’on y joint le décret de septembre dernier, qui approuve les modifications de tarif consenties par les compagnies de chemins de fer pour le transport des céréales à l’intérieur, on aura tout ce que le gouvernement pouvait raisonnablement faire pour atténuer les effets de la cherté. Il faut