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accusé avec tant de précision en 1861. Le déficit de 1871, qui nous eût donné des prix de famine quinze ou vingt années auparavant, fut comblé, et les prix, au lieu de monter, descendirent. De mai à août 1871, le prix avait passé de 28 à 25 francs. En septembre, il y eut une légère reprise, et le prix de 26 francs l’hectolitre fut atteint de nouveau. À partir du mois de novembre, une baisse régulière se déclare ; nous trouvons le prix moyen de 25 francs en janvier 1872, celui de 24 francs en juin, de 23 francs en juillet. En août, et sous l’influence d’une récolte exceptionnellement riche, le prix moyen du blé tombe à 20 francs l’hectolitre.

La récolte de 1872 est en effet la plus abondante que nous ayons jamais eue en France malgré le démembrement de notre territoire. On ne l’estime pas à moins de 120 millions d’hectolitres, ce qui, après prélèvement de 14 millions d’hectolitres pour les semences, laissait 106 millions d’hectolitres disponibles pour notre consommation intérieure et notre commerce d’exportation. Le marché général était alors peu encombré, et l’Angleterre avait besoin d’un supplément à ses importations habituelles : les prix du marché général étaient donc élevés. Pour en bénéficier, le commerce, au lieu d’importer des grains, en exporta ; mais ces exportations ne pouvaient que relever les cours sur notre marché intérieur, et l’élévation de nos prix devait, à son tour, modérer l’exportation. Au total, il n’est guère sorti que de 6 à 7 millions d’hectolitres de la récolte exceptionnelle de 1872. On avait vu le blé baisser dans la disette ; on allait le voir monter peu à peu dans l’abondance. De 20 francs l’hectolitre en août 1872, le blé était arrivé successivement et régulièrement à 27 francs en août 1873. Le prix de 22 francs avait été atteint en février, celui de 24 francs en juin.

Bien des esprits ont été déroutés par cette baisse de prix coïncidant avec un déficit énorme, qui a été suivie d’une hausse régulière au sein de l’abondance. On en a vainement cherché l’explication dans de fausses estimations des deux récoltes ; c’est dans l’effet d’opérations commerciales étendues qu’il faut la chercher uniquement. Dès que le déficit est soupçonné, le commerce se met en quête d’approvisionner le marché, et ses arrivages ramènent les prix au niveau du marché général. Quand l’abondance est venue, le commerce agit inversement, et ses exportations relèvent les prix jusqu’à équilibre avec ceux de l’extérieur. Baisse en déficit, hausse en abondance, s’opèrent régulièrement, sans secousse brusque et sans perturbation excessive dans les habitudes de la consommation ou dans les intérêts de l’agriculture. Ainsi se limitent de plus en plus, en se rapprochant du prix général du marché, qui, toujours élevé, va s’élevant encore d’une façon insensible, les hausses et les baisses de notre marché intérieur. Ces prix moyens réguliers et éle-