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finir par n’avoir plus ni maires dévoués au gouvernement, ni maires attachés à la commune ; on aura alternativement de petits chefs de clan démagogique ou des commissaires de police. Il y a également sur le tapis une loi sur la presse qu’on ne connaît pas encore, qui semble destinée dans tous les cas à fortifier la répression, à donner au gouvernement de nouvelles armes administratives. Il y a enfin une proposition sur les élections partielles, qu’on ne ferait désormais que lorsqu’il y aurait un certain nombre de vacances dans un département. Ce qu’il y a surtout à remarquer, c’est que ces mesures ont toutes le même caractère, elles sont toutes provisoires. La loi sur les maires est provisoire, la loi sur la presse sera provisoire, la proposition sur les élections partielles n’est et ne peut être évidemment qu’une mesure d’exception et de circonstance. Est-ce donc le provisoire qu’on veut organiser ? Ces moyens de gouvernement qu’on réclame, fussent-ils nécessaires, ne suffisent pas certainement pour constituer ou caractériser une politique.

La pensée du ministère est-elle dans les nominations diplomatiques par lesquelles il a inauguré son entrée au pouvoir, ou du moins ces nominations sont-elles de nature à laisser entrevoir les directions de la politique actuelle ? Que le ministère, décidé à ne point laisser M. Fournier à Rome, fait remplacé par M. le marquis de Noailles, il ne pouvait certes faire un choix plus heureux, mieux inspiré pour garantir les relations d’amitié et de sympathie entre la France et l’Italie. Que M. Chaudordy aille succéder en Suisse à un homme de talent et de conviction, M. Lanfrey, qui a mis sa dignité à ne point servir sous les ordres d’un gouvernement dont il était obligé de se séparer par ses votes, il n’y a rien à dire encore. M. Chaudordy est de la carrière diplomatique ; délégué des affaires étrangères pendant la guerre, il a montré de l’activité et du feu auprès de M. Gambetta, dont il partageait les entraînemens et même les préventions contre M. Thiers, alors fort suspect à Bordeaux pour la clairvoyance de son patriotisme et pour la sagesse de ses conseils. M. Chaudordy est devenu un député de la plus pure majorité, qui revient aujourd’hui à la diplomatie. Seulement on peut se demander comment le titre de ministre plénipotentiaire, qui suffisait à un homme de mérite comme M. Lanfrey, ne suffit plus à M. Chaudordy, et comment la légation de Berne doit se transformer nécessairement en ambassade.

Que le ministère enfin, pour son coup de maître, ait cru devoir faire de M. de Larochefoucauld, duc de Bisaccia, un ambassadeur à Londres, c’est là le mystère, et c’est aussi sans doute la nomination véritablement politique, d’autant plus politique qu’il serait difficile en vérité de l’expliquer autrement, M. le duc de Bisaccia, que nous sachions, ne s’est point révélé jusqu’ici au pays par ses aptitudes diplomatiques. Député, il ne