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à faire venir d’Europe trois bataillons d’infanterie; c’est un renfort de 2,000 hommes qui s’embarquent en ce moment à Woolwich sur le Dromedary. Les Achantis ne sont donc pas des ennemis à dédaigner, quoique jusqu’à ce jour on avait cru pouvoir les vaincre à l’aide des alliés indigènes, des volontaires enrôlés sur la côte d’Afrique et des marins détachés par les navires présens dans ces parages.

On s’était contenté, dès le début des hostilités, d’envoyer de l’arsenal de Woolwich des munitions et des vivres, mais l’envoi de nouvelles forces européennes dans des pays aussi malsains que ceux de la Côte d’Or oblige les Anglais à faire suivre leurs soldats de tout un stock de préservatifs comme jamais il n’en a été fourni à aucune armée. Les officiers sont tenus d’emporter sur eux du sulfate de quinine, un filtre de poche, un voile pour se préserver les yeux; il leur est également recommandé de boire beaucoup de café et de s’asperger de temps en temps le visage et les mains de paraffine pour éloigner les mosquitos. Quant aux soldats, le Dromedary emporte pour eux 5,000 uniformes de rechange, 5,000 chemises en caoutchouc, qui leur permettront de s’étendre sans danger la nuit sur le sol fangeux, 5,000 couvertures de laine, pareilles quantités de bouilloires et de moulins à moudre, enfin un nombre considérable de flacons contenant des vinaigres aromatiques, avec lesquels les sentinelles devront se mouiller l’intérieur des oreilles et des narines.

Si les arsenaux anglais envoient à la côte occidentale d’Afrique leurs engins les plus redoutables, et si rien n’est omis à Londres pour assurer le bien-être des expéditionnaires, sir Carnet Wolseley de son côté n’oublie aucun détail, ne méprise aucun auxiliaire, qu’il soit blanc ou noir, homme ou femme. Une bande de 200 noirs enrôlée à Lagos par un sergent-major des Haoussas, nommé « le vieux Jacoban, » et transportée à Acra, y a été reçue par le capitaine Glover, surnommé le « père des Haoussas, » qui leur adressa dans leur langue un fougueux discours. Les paroles guerrières du capitaine anglais excitèrent un enthousiasme frénétique. Les recrues brandirent leurs longs couteaux, exécutèrent une danse de guerre accompagnée de cris sauvages, jurant d’exterminer les Achantis et de mourir pour leur bon ami Glover. Ils voulurent même porter le ca- pitaine en triomphe jusqu’à leur camp; mais, celui-ci ayant décliné cet honneur, ils s’emparèrent de leur vieux Jacoban qu’ils entraînèrent chez eux dans l’ivresse de leur joie. De son côté, sir Carnet, sachant que les femmes noires font un mauvais parti aux hommes valides qui restent chez eux en temps de guerre, a fait mander chez lui toutes les dames des environs. Elles sont venues en toute hâte