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vers la mer de l’idolâtrie par le Coran est incessant, rapide, fatal. Partout l’islamisme souffle sur les noirs la haine des chrétiens, il pénètre, protégé simplement par son prestige, dans les tribus les plus sauvages du golfe de Biaffra et de Guinée; il fonde l’empire des Haoussas, il est dans le Bambara, suit le cours du Niger, et descend les montagnes de Kong jusque dans les criques les plus inaccessibles de la Côte d’Or. Trois ou quatre marabouts, avant-garde d’une tribu d’émigrans de Fouta, rencontrent-ils dans un beau site un village nègre aux huttes chancelantes, aux habitans nus ou couverts de peaux, ils s’y arrêtent, catéchisent les enfans et leur apprennent à déchiffrer avec une patience admirable les caractères arabes. Les fétiches peu à peu font place au gris-gris renfermant les versets du livre saint. Arrive bientôt la tribu colonisatrice, escortée par quelques chefs à cheval, qui le sabre à la main forcent, s’ils s’y refusent, les nègres à travailler, à défricher la terre et à l’ensemencer. Si le noir veut résister, il est tué; s’il échappe pour aller se cacher dans les forêts de la côte, on court à sa poursuite. Au bout de peu d’années, le sol, étouffé jusque-là par une végétation désordonnée, se couvre de cultures; les ânes, les bœufs, les chèvres, les chevaux, emplissent aux portes des villages les enceintes fortifiées où ils dorment à la belle étoile; les nègres portent désormais avec orgueil le boubou sénégambien, le fusil, le sabre, tout ce qui caractérise l’homme libre; les femmes ont répudié leur ancienne nudité, et ne se montrent plus aux étrangers que le corps entouré d’un pagne bariolé aux couleurs éclatantes. Nos missionnaires européens ne peuvent lutter contre ce système des marabouts presque toujours et partout triomphant. Il leur faudrait user du sabre, donner sur terre le paradis de Mahomet et le promettre aux nègres même encore après leur mort.


III.

Au commencement du siècle dernier, les Achantis seraient venus de l’est en conquérans, à ce que rapporte M. Bowdich; selon d’autres voyageurs, ils ont été refoulés vers les montagnes de Kong par un peuple plus puissant qui forme dans l’Afrique centrale un vaste empire. Suivant la première version, la plus digne de croyance, leur chef, nommé Saï-Toutou, devint le roi des pays envahis, et ses premiers capitaines formèrent l’origine d’une aristocratie militaire dont le principal et précieux privilège était d’être préservé de toute peine capitale. Ces familles sacrées, aujourd’hui au nombre de quatre, forment le second degré de l’autorité; le troisième est l’assemblée des chefs militaires, le reste de la population est soldat, esclave,