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nier qu’ils ne donnent lieu à un commerce florissant, et l’expérience a démontré que des positions fortes sont indispensables à la sécurité de ce commerce. Comme l’a fait justement remarquer lord Derby, l’extension immense de l’empire britannique le met en contact avec toutes les races du globe et expose ainsi l’Angleterre à des collisions inévitables, qu’il faut accepter comme un mal nécessaire et d’où il faut tâcher de sortir le mieux qu’on peut : en toute entreprise, on doit faire la part du feu. La guerre avec les Achantis est une de ces crises auxquelles il faudra toujours s’attendre de temps en temps; il est possible qu’on eût pu l’éviter par une politique plus décidée et plus prévoyante; mais les avis ont été toujours très partagés sur le régime qu’il convient d’appliquer aux settlements pour y assurer la paix et la tranquillité.

Un officier de la marine anglaise vient d’écrire au Times une longue lettre dans laquelle il explique les causes des conflits qui existent d’une manière permanente dans ces colonies. D’abord les négocians anglais traitent en général les noirs comme gent taillable et corvéable; ils arrêtent les débiteurs insolvables et les obligent à travailler pour l’argent qu’ils doivent. C’est ainsi que le représentant d’une maison de Bristol s’est emparé un jour du roi des Camerones, Charley Dido, et l’a condamné de sa propre autorité au travail forcé. En principe, les nègres, semblables en cela aux Indiens de l’Orient et aux Malais, ne trouvent rien à redire, — s’ils sont fautifs, — à ces exécutions sommaires; mais, s’ils sont innocens et châtiés injustement, leur vengeance est inévitable et terrible : ils assassinent, empoisonnent les vivres, pillent les bateaux, et mettent le feu aux fabriques. Les colons qui ont éprouvé des dommages ou passé par quelque tentative de meurtre se plaignent alors au commandant du premier navire de guerre venu, qui s’efforce de capturer des notables de la tribu hostile, ou bien qui fait bombarder les villages et trouer les canots des nègres. Lorsque les kroumen, c’est-à-dire les coulies indigènes, sont transportés dans les pays où ils sont engagés comme ouvriers, on les fait travailler à bord pour payer leur voyage, et, quand il y en a trop pour les utiliser dans la manœuvre, les capitaines des navires marchands anglais les vendent quelquefois comme esclaves. On comprend qu’il y a là les germes des conflits les plus sérieux, et qu’on y découvre sans peine la raison de la haine que les nègres ont pour les Anglais. Lord Grey, l’ancien secrétaire d’état pour les colonies, écrit également au journal de la Cité pour accuser la mauvaise politique suivie dans les West-Africa settlements. Après la guerre de 1863, une commission, ayant à sa tête sir C. Adderley, a présenté un rapport qui recommandait d’appliquer largement à ces colonies noires le prin-