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suscitait cette colonie peu importante et placée sur une plage malsaine, le gouvernement des Pays-Bas pensa sérieusement à s’en débarrasser en la cédant à l’Angleterre, suivant en cela l’exemple que le Danemark avait donné depuis vingt ans. Le traité de cession, négocié au mois de février 1871, comprenait deux clauses par lesquelles la Grande-Bretagne reconnaissait la suzeraineté de la Hollande sur l’île de Sumatra, et permettait l’introduction des coulies indiens à Surinam. L’Angleterre n’avait à payer que le prix du matériel de guerre cédé, c’est-à-dire une somme qui ne devait pas dépasser 24,000 liv. sterl., et le nombre de ses sujets s’augmentait environ de 120,000 âmes. Ce traité fut signé et ratifié par les chambres hollandaises malgré les réclamations de la presse et de nombreuses pétitions qui s’élevaient contre « l’aliénation du patrimoine colonial acquis aux temps héroïques de la Hollande » et aussi en dépit des populations cédées, qui avaient dépêché à La Haye un agent nommé David Mill Graves, afin d’empêcher la signature de la convention. Grâce à cet arrangement, l’Angleterre se trouve désormais seule maîtresse des 100 lieues de côtes qui s’étendent entre notre colonie d’Assinie et le Dahomey, — maîtresse en supposant qu’elle réussisse à comprimer la formidable insurrection des noirs qui a éclaté peu de temps après l’exécution du traité.

Le peuple guerrier des Achantis, soutenu par d’autres tribus jusque-là dociles et soumises, tient à cette heure en échec les armes de la Grande-Bretagne, comme le sultan d’Atchin tient en échec les Hollandais dans l’île de Sumatra. Le gouvernement anglais s’est vu forcé d’organiser une expédition fort sérieuse, dont l’issue est loin d’être tout à fait assurée, malgré les résultats heureux des premières rencontres. à ne sera peut-être pas hors de propos de donner ici quelques notions sur la contrée qui est le théâtre de cette lutte imprévue, sur les habitans, sur l’origine du conflit et la gravité qu’il pourrait avoir.


I.

La partie centrale du littoral de la Guinée a reçu le nom de Côte d’Or en raison de la richesse de ses sables aurifères. C’est un pays bas, couvert en grande partie de forêts sombres, entrecoupé de marais et de jungles, lesquels le séparent d’un plateau plus salubre qui commence à s’élever à 50 kilomètres du rivage et qui n’est que le premier échelon des montagnes Kong, La chaleur et l’humidité des régions tropicales y développent partout une végétation luxuriante : l’arbre à coton, de plus de 150 pieds de hauteur, des bananiers d’une taille gigantesque, l’aloès, à canne à sucre, l’ana-