Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/854

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les faits de contagion nerveuse sur lesquels M. Bouchut a attiré, il y a quelques années, l’attention des médecins. On savait depuis longtemps, surtout par l’observation fameuse des convulsionnaires du cimetière Saint-Médard, que certains états névropathiques se multiplient par l’imitation instinctive; mais M. Bouchut a montré que ces faits sont beaucoup plus communs qu’on ne le supposait, et le travail où il les a décrits est un chapitre nouveau et dramatique de l’histoire si bizarre des aberrations du système nerveux. Un des premiers cas rapportés par M. Bouchut est le suivant, observé à Paris en 1848, dans un atelier où travaillaient 400 femmes. Un jour, l’une de ces ouvrières pâlit, perd connaissance et tombe, les membres en convulsion, les mâchoires serrées. En deux heures, 30 de ces femmes sont affectées du même mal. Au troisième jour, 115 en étaient atteintes; toutes présentaient les mêmes symptômes. Elles étaient prises d’étouffement avec fourmillement dans les membres, vertiges, crainte d’une mort prochaine, puis elles perdaient connaissance dans l’état convulsif. Une épidémie pareille fut observée en 1861 parmi les jeunes filles de la paroisse de Montmartre qui se préparaient à la première communion. Le premier jour de la retraite, au matin, dans l’église, trois d’entre elles perdirent connaissance et furent prises de mouvemens convulsifs généraux. Le second jour, les mêmes accidens se produisirent chez trois autres jeunes filles. Le mal en atteignit d’autres le lendemain. Le quatrième jour, celui de la première communion, trente-deux furent prises des mêmes attaques. Le cinquième jour, à la confirmation, quinze d’entre elles, à l’approche de l’archevêque, furent saisies d’un tremblement convulsif, poussèrent un cri et tombèrent sans connaissance lorsque le prélat se disposait à les confirmer. Ainsi, dans l’espace de cinq jours, 50 jeunes filles sur 150 manifestèrent les mêmes désordres nerveux.

Les divers états hallucinatoires, extatiques, spasmodiques, transmis et multipliés par l’exemple, jouent un grand rôle dans l’histoire du moyen âge, surtout dans celle des ordres religieux. Il y a la plus grande analogie entre les récits qui nous ont été transmis par les auteurs du temps et les observations publiées par les médecins de nos jours. On expliquait alors ces névropathies par des raisons mystiques; aujourd’hui on ne les explique pas du tout. Pour ce qui est de les guérir, on n’a guère que des moyens moraux, dont le succès atteste bien la nature purement nerveuse de ces singulières affections. On raconte que Boerhaave arrêta une épidémie de convulsions hystériques dans un pensionnat en menaçant de brûler avec un fer rouge les jeunes filles qui auraient des attaques. C’est par des procédés et des artifices analogues que les praticiens actuels essaient