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tiques. Bref, tous les actes criminels que suggèrent la haine, la vengeance, la cupidité, excitent toujours chez certains individus une émulation qui les. pousse à en commettre de semblables. Quelle conclusion pratique tirer de là? C’est qu’il serait utile d’interdire absolument la publication des procès criminels, soit réels, soit imaginaires, dans les journaux destinés au peuple, et la représentation des pièces où la perversité et le scandale sont offerts à la curiosité malsaine des spectateurs. Le vœu que M. Despine exprime à ce sujet est celui de tous les médecins et de tous les hygiénistes, aux yeux desquels il est démontré que certains écrits et certains spectacles comptent parmi les causes qui conduisent tant de malheureux au bagne, à la morgue ou à la maison de fous. Quand on sème des exemples de violence et de dérèglement, il n’est pas étonnant qu’on récolte des crimes et des folies. Aussi appuyons-nous énergiquement le vœu dont il s’agit ici, et que M. Bouchut a formulé avec autorité en disant qu’au lieu de repaître le public de récits et de spectacles aussi compromettans pour la sécurité générale, il devrait y avoir une sorte de lazaret moral pour y enfouir aussitôt qu’ils apparaissent les désordres dont la contagion est aujourd’hui indéniable.

Outre la contagion des passions qui aboutissent au crime, on a observé celle des états passionnels qui se terminent par le suicide. Les épidémies de suicide sont fréquentes dans l’histoire. On connaît l’exemple des filles de Milet cité par Plutarque. L’une d’elles se pendit : aussitôt beaucoup de ses amies se donnèrent la mort par le même moyen, et il fallut pour arrêter les progrès effrayans de cette frénésie que l’ordre fût donné d’exposer les cadavres nus des suicidées sur la place publique. Un ancien historien de Marseille parle d’une épidémie de suicide qui sévit sur les jeunes filles de cette cité. En 1793, la seule ville de Versailles présenta le spectacle de 1,300 morts volontaires. Au commencement de ce siècle, la folie épidémique du suicide fit un grand nombre de victimes en Angleterre, en France et en Allemagne parmi les jeunes gens que la lecture des romans mélancoliques, jointe à l’excès des plaisirs précoces, avait dégoûtés de l’existence. Une autre épidémie plus bizarre est celle de l’infanticide qui sévit à Paris, au commencement de ce siècle, quand les journaux publièrent le récit de l’affaire Cornier. Cette dame, atteinte de monomanie infanticide, avait tué son enfant dans des circonstances qui frappèrent un certain nombre de mères, au point que celles-ci, d’ailleurs fort honnêtes et parfaitement attachées à leurs enfans, furent prises de l’envie de s’en défaire. Elles n’y cédèrent point, mais la tentation excita beaucoup la surprise des médecins.

Il ne sera pas sans intérêt de rattacher à ces curieux phénomènes