Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/820

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

excessives : s’il était admis que le roi concédât parfois quelques dots, c’étaient des pensions de 6,000 livres; il n’y avait pas un seul exemple de grâce aussi considérable accordée en de telles circonstances; mais ce n’était pas tout : on fit traiter comme étant de la famille un certain comte de Vaudreuil, duquel la renommée disait, assure Mercy, qu’il était trop intimement et trop publiquement lié avec la comtesse Jules de Polignac. Comme il se trouvait dans quelque embarras parce que toute sa fortune était dans les îles françaises, d’où rien n’arrivait pendant le cours de la guerre d’Amérique, la comtesse ne trouva d’autre moyen de l’en tirer que de lui faire obtenir du trésor royal 30,000 livres par an tant que dureraient les hostilités, et de M. le comte d’Artois un domaine d’égale valeur. Ajoutez bien d’autres profits obtenus ou convoités. La comtesse voulait faire donner l’ambassade de Vienne au comte d’Adhémar, un autre de ses amis; elle comptait recevoir le titre de duchesse et n’avait pas perdu l’espoir de se faire donner une terre de 1,200,000 à l,400,000 livres. Une promotion militaire eut lieu uniquement pour placer ceux qu’elle présentait. C’était pour ces favorites et pour leur clientèle que la reine avait augmenté à l’excès les frais de sa maison; c’était pour ces gens-là et non pour les plus méritans que, malgré les promesses et les engagemens même de Turgot et du roi, on multipliait l’abus des survivances, qui doublait du même coup les charges de cour et les gros traitemens : le comte Jules de Polignac avait ainsi obtenu dès 1775 la survivance de la charge de premier écuyer occupée par M. de Tessé, création qui entraînait une dépense nouvelle de 80,000 livres par an.

Les favorites nuisaient à la reine non pas seulement par l’abus dispendieux des grâces, mais aussi au point de vue de la réputation morale. Mme de Cossé, de Chimay, de Mailly, d’autres encore, ne donnaient aucune prise à la médisance; mais il n’en était pas ainsi de Mme de Polignac et de Mme de Guéménée. La liaison de la comtesse Jules avec Vaudreuil était publique, et lorsque Marie-Thérèse en fit la remarque dans une de ses lettres, Marie-Antoinette n’y contredit pas. C’est aussi à propos de la jeune comtesse que Mercy a, dans son rapport secret du 17 septembre 1776, un passage significatif. « Sa conduite en matière de dogme, dit-il, est équivoque, et le premier médecin Lassone, qui la connaît, dit un jour à l’abbé de Vermond qu’il craignait que cette liaison ne portât quelque atteinte à la piété de la reine. Je ne me permettrai pas de soupçonner que cette crainte pût se réaliser en ce qui touche aux principes essentiels; mais un peu de refroidissement sur l’exactitude à remplir les devoirs pieux et un certain langage sur des matières si importantes sont des inconvéniens qui se contractent par la fréquentation intime des gens qui ont l’esprit gâté par les erreurs du siècle, et je vois