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marchands à Paris cessa d’être à l’élection des bourgeois. On ne laissa de caractère électif qu’aux quatre échevins, encore leur élection reposait-elle sur une base si restreinte qu’elle était à peine digne de ce nom. Lyon conserva aussi son prévôt des marchands. Quant aux autres villes de France, l’édit de 1692 y créa des charges de maires perpétuels en titre d’office, et ces maires prirent la qualification de conseillers du roi. Tous les officiers municipaux se transformèrent conséquemment en officiers royaux malgré les réclamations de certaines villes qui obtinrent momentanément que la forme élective fût rétablie pour leur maire et leurs échevins. Si les habitans y gagnaient en indépendance, la bonne administration y perdait. Tant que les villes s’étaient administrées par elles-mêmes, les constructions les plus indispensables ne s’exécutaient pas, les rues étaient sales et mal entretenues, les approvisionnemens insuffisamment réglés, la sécurité n’existait point, les taxes et les impôts se payaient irrégulièrement. C’est que la préoccupation exclusive des municipalités était de réduire les dépenses, afin de ne point aggraver les charges de la population. L’institution des intendans de province, des lieutenans de police, amena dans les grandes villes un ordre meilleur, elles prirent un tout autre aspect, et Paris notamment devint pour le temps un modèle de propreté et de bonne tenue qui faisaient envie aux étrangers. Aussi les noms de quelques-uns de ces intendans, de ces lieutenans de police, ont-ils été transmis à la postérité entourés de la reconnaissance publique.

Tel fut un des plus heureux effets de la substitution de l’administration royale à celle des vieilles municipalités d’un caractère plus judiciaire qu’administratif, sorties qu’elles étaient du droit qu’avaient dans le principe les habitans d’être jugés par des jurés choisis dans leurs rangs, jurés qu’avaient fini par représenter d’une manière permanente les échevins, dans le midi les consuls, les capitouls ou les jurats. L’élection des membres composant le corps de ville, soit à raison du chiffre trop exigu des électeurs, soit à cause des brigues et des menées inséparables des élections populaires, au lieu de signaler le plus intègre et le plus capable, ne mettait trop souvent en jeu que des vanités rivales et des intérêts mesquins. « Nous avions lieu d’espérer, dit le roi dans le préambule de l’édit de novembre 1771, qu’en rendant par les édits de 1764 et 1765 aux villes et communautés la liberté de choisir et nommer leurs officiers municipaux, et d’après les mesures qui avaient été prises, les citoyens de tous les ordres, se réunissant pour l’avantage commun, dépouilleraient tout autre intérêt pour concourir au bien de la communauté ; mais, au lieu de ces avantages, il en a résulté des troubles, des cabales et des brigues dans les élections, qui ont souvent occasionné des procès ruineux pour les villes et