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rôle de Marie-Antoinette et des conseils de sa mère. L’alliance avec l’Autriche venait d’être solennellement renouvelée, la dauphine en était le gage. Il ne pouvait par conséquent sembler étrange que, de Vienne, Marie-Thérèse fit de constans efforts pour sauvegarder un pacte qui avait désormais à ses yeux un double intérêt politique et de famille. Quant aux deux conseillers qu’elle avait placés à côté de sa fille, le comte de Mercy et l’abbé de Vermond, c’étaient des hommes prudens et dévoués. Pour ce qui est du dévoûment, Mercy en a donné jusque dans les plus mauvais jours les plus évidens témoignages. Il lui arrivera bien parfois de souhaiter et de provoquer une intervention dangereuse de la reine dans les affaires; en général cependant il est attentif et habile à ne point trop paraître auprès d’elle, et il excite en effet si peu de soupçons que nul n’a connu sa correspondance secrète. Quant à Vermond, dont on n’a pas deviné non plus tout le rôle, c’est sur lui que les accusations les plus ardentes et les plus erronées se sont réunies. Les documens tirés des archives de Vienne jettent sur son personnage la plus décisive lumière. Il n’a pas été le traître et le perfide qu’on a voulu dénoncer; il n’a pas formé le hideux projet de corrompre et d’abêtir sa royale élève; il n’a pas eu pour constante préoccupation de s’enrichir, lui et les siens; il n’a pas même joui personnellement d’un très grand crédit ni d’une vraie influence. Nous ne vantons pas son intégrité : il a demandé avec ténacité pour lui-même et obtenu deux abbayes; il a de plus contribué à faire élever au ministère son ancien protecteur Loménie de Brienne, de concert toutefois avec Mercy et, l’on peut dire, avec l’opinion publique, qui, assez mal éclairée, soutenait ce prélat, le croyait éloquent et capable des grandes affaires. En somme, Vermond a été un homme médiocre, fort peu habile à intéresser et à captiver une jeune intelligence; mais il a eu avec Mercy entre Marie-Thérèse et Marie-Antoinette un rôle important de témoin et d’interprète discret, prudent, dévoué, dont il s’est acquitté de manière à mériter la confiance et la reconnaissance très sincère de l’impératrice.

Faut-il admettre cependant que la cour de Vienne, que Marie-Thérèse et Joseph II n’aient pas tenté d’exercer par Marie-Antoinette, en vue de leurs propres intérêts, une pression sur Louis XVI et le cabinet de Versailles? N’ont-ils à cet égard usé que de modération dans les occasions graves, par exemple au sujet de deux grandes affaires politiques qui tiennent alors une très large part dans l’histoire des rapports entre les deux pays, et sur lesquelles nous devons donc insister ? Nous voulons parler du partage de la Pologne et de l’affaire de la succession de Bavière.

Que la première pensée du partage de la Pologne doive être attri-