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franche. Il perdra ainsi des alliés à droite, il en retrouvera au centré gauche, et peu à peu se formera ainsi la seule majorité sur laquelle puisse s’appuyer un gouvernement à la fois libéral et conservateur.

C’est le moment où la saison politique recommence pour tout le monde, quoique pour tout le monde elle n’ait pas les mêmes rigueurs et ne soit pas chargée des mêmes nuages ; c’est la saison parlementaire par excellence. Il y a de cela trente ans tout au plus, combien y avait-il de parlemeus en Europe ? À part la vieille et indépendante Angleterre, dès longtemps façonnée au gouvernement représentatif, quelques pays à peine sur le continent avaient l’honneur et le bienfait des institutions libres, de la vie politique au grand jour. La France, par la propagande de ses idées, par son exemple, ne contribuait pas peu à populariser cette monarchie constitutionnelle dont elle a oublié de se réserver les durables et salutaires garanties pour se jeter dans des aventures nouvelles. Ce qu’elle n’a su garder pour elle jusqu’au bout, elle l’a donné aux autres. Maintenant il y a des parlemens partout, sauf en Russie, et partout ces parlemens viennent de s’ouvrir presque en même temps, à Vienne, à Berlin, à Rome. Le bruit des discussions publiques a remplacé le silence des régimes absolus, et c’est par le mouvement libre des opinions que se résolvent les plus graves problèmes de la politique, même en Autriche, dans la vieille Autriche de M. de Metternich,

D’ici à deux jours, le 2 décembre, il y aura vingt-cinq ans que l’empereur François-Joseph montait tout adolescent sur le trône de Marie-Thérèse, et depuis ce moment ce ne sont point certes les épreuves qui lui ont manqué. Que d’événemens accomplis dans ces vingt-cinq ans ! La Hongrie reconquise avec l’aide de la Russie, puis rendue à la liberté, presque à l’indépendance sous le sceptre impérial, les provinces italiennes perdues par la guerre, la maison de Habsbourg s’effaçant devant les Hohenzollern en Allemagne, c’est de tous ces événemens qu’est sortie l’Autriche nouvelle transformée par le malheur, par des crises terribles, successives, qui ont servi à éclairer tous les esprits, à commencer par l’esprit de l’empereur lui-même. Aujourd’hui François-Joseph est un souverain constitutionnel, et c’est en chef constitutionnel de son empire qu’il ouvrait récemment le Reichsrath, dont la réunion avait cette fois une importance particulière, puisque c’était le premier parlement né du nouveau régime électoral, du système de l’élection directe adopté l’an dernier. Sans doute dans ce nouveau Reichsrath, comme dans ceux qui l’ont précédé, ce sont toujours les mêmes complications constitutionnelles, résultant des revendications absolues des Tchèques, des réclamations plus modérées, mais persévérantes, des Polonais, de la lutte du libéralisme centraliste et de l’esprit fédéraliste et clérical. Le système de l’élection directe, en augmentant le nombre des membres du Reichsrath, n’a pas supprimé ces antagonismes, qui sont en quel-