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nipotente, phénomène absolument nouveau qui ne s’est pas reproduit depuis la convention, — on peut bien répéter le mot, puisqu’il a échappé l’autre jour à un membre de la majorité.

Qu’en résulte-t-il ? C’est que la moindre crise met tout en question et peut devenir aussitôt un péril pour la paix publique, c’est que tout prend un caractère exceptionnel : on vient de le voir par les derniers incidens qui se sont produits. On vient de passer près de trois semaines en délibérations, en négociations peut-être nécessaires, et pendant trois semaines l’existence même du pays s’est trouvée en quelque sorte suspendue ; il s’agissait tout simplement de savoir si la France aurait un gouvernement, sous quel régime elle se réveillerait le lendemain. On parle aujourd’hui d’une loi qui interdirait les élections partielles tant que la représentation d’un département ne serait pas réduite à un certain chiffre. Nous ne jugeons pas la mesure sous d’autres rapports, mais il est bien évident qu’il ne s’agit nullement ici d’un bon ou mauvais système d’élections ; c’est un acte d’omnipotence politique tout exceptionnel, uniquement inspiré par la pensée de maintenir l’intégrité actuelle de la majorité parlementaire. Une fois dans cette voie, on peut aller loin, même en croyant sauvegarder les intérêts conservateurs, et voilà pourquoi il faut en finir avec ce qui n’est après tout qu’un état absolument révolutionnaire. Voilà pourquoi le plus pressé aujourd’hui est de voter ces lois constitutionnelles, dont l’unique objet doit être de donner au pays une certaine organisation publique, de faire revivre la distinction et la pondération des pouvoirs, de substituer enfin un régime régulier à une situation exceptionnelle et passagère, comme les circonstances qui l’ont produite.

Ces lois, l’assemblée doit se hâter de les voter non-seulement par une prévoyance générale, mais encore dans l’intérêt même de la dignité du gouvernement qu’elle vient de fonder. On a donné une présidence de sept ans à M. le maréchal de Mac-Mahon, soit ; mais que veut-on que soit ce pouvoir sans des lois organiques qui en définissent et en précisent l’action ? Il est pour ainsi dire en l’air, dans le vide, sans prérogatives et sans droits reconnus ; il n’est aujourd’hui comme hier qu’un simple délégué, et rien n’est changé. Est-ce là ce qu’on veut ? C’est sans doute la pensée assez peu déguisée de ceux qui représentent déjà la septennalité comme une grande fiction ou comme un moyen dont ils entendent se servir pour recommencer le plus tôt possible leurs campagnes monarchiques ; mais ne voit-on pas que, sous prétexte d’honorer M. le maréchal de Mac-Mahon, on n’aurait réussi qu’à lui faire la plus cruelle injure en lui attribuant une sorte de rôle ridicule, aussi vulgaire que peu digne de lui ? Ainsi l’intègre soldat ne serait plus qu’un prête-nom complaisant, destiné à couvrir toutes les entreprises qu’on pourrait combiner et tenter contre lui aussi bien que