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Après les céréales et les oléagineux, voici les vins, l’article national par excellence; ils étaient largement représentés à Vienne et n’avaient pas besoin de s’y défendre. 10,000 échantillons avaient été envoyés par tous les pays viticoles; il avait fallu les goûter, les classer et rendre ensuite un jugement sur l’ensemble de ces envois. La discussion fut longue, la dégustation répétée, et voici enfin la sentence qui est sortie d’un examen définitif. Il fut reconnu par le jury français : 1° que la France n’a absolument aucune concurrence à craindre pour ses grands vins de Bordeaux et de Bourgogne, même pour ses vins de Champagne, 2° que pour les grands ordinaires, ceux que nous produisons ont plus de qualité à prix égal que leurs rivaux, presque toujours plus chers et sans bouquet, 3° que, pour les vins ordinaires, l’Italie cultive et fabrique mal, conserve sans soin, mais que l’Espagne fait de jour en jour des progrès plus marqués qui lui permettent de produire en quantités considérables des vins colorés pour coupage à 15 francs l’hectolitre. Tels sont les termes de la sentence qui a été rendue. Il convient d’ajouter que le rôle assigné à l’Espagne appartient également à celles de nos provinces qui en sont limitrophes, surtout à l’ancien Roussillon, qui produit des vins renommés comme le rancio, et au port de Cette, qui fournit à volonté des imitations de toutes les qualités connues. L’Aude et l’Hérault sont les réservoirs où l’on puise des matières pour ces imitations. Dans les années où la vigne échappe aux maladies mystérieuses qui la ravagent, ces deux départemens ont une production si abondante qu’elle suffit à tout. Les prix s’y avilissent quelquefois au point que toute concurrence est mise au défi; c’était autrefois 6 et 7 francs l’hectolitre quand les vins se convertissaient en alcools, c’est 10 francs aujourd’hui qu’on les emploie pour les coupages. Paris surtout en absorbe de grandes quantités; mais ici un autre intérêt est en jeu, et M. Blaise (des Vosges) le fait ressortir, c’est le tort que peuvent faire à nos vignerons du centre les envois du midi combinés avec les provenances de l’Espagne. Devant ces mélanges, vinés au maximum et offerts à des prix réduits, quelles chances de placement reste-t-il aux pays moins favorisés pour le rendement et pour le degré de l’alcool ? Tout au plus les commandes de quelques habitués. Avec des vignes qui ne produisent que 30 à 40 hectolitres par hectare, on ne tient pas longtemps contre celles qui produisent 200, 300 hectolitres et plus. La partie est donc inégale et le deviendra toujours davantage. Le fisc y ajoute d’autres charges, qui vont s’aggravant, et un luxe de formalités qui décourage jusqu’aux perfectionnemens les plus légitimes. Si ces causes combinées continuent d’agir dans le même sens, des vides se feront dans cette industrie, qui manie tant de millions et occupe tant de bras : il ne