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Probablement les retards viennent un peu de tout cela, et il sera par exemple bien difficile d’introduire une charrue à vapeur partout où le sol se refuse à la culture à plat et en ligne; mais d’autres instrumens peuvent être mis à l’essai, et il y en a des exemples, entre autres la machine à battre à vapeur, qui est devenue populaire dans nos campagnes. Partout où un maréchal ou un charron de village en achète une pour l’exploiter, l’entretenir et la promener de ferme en ferme; une clientèle se forme à l’instant, et la spéculation est bonne. Que ne continue-t-on l’essai sur d’autres machines, la faucheuse et la faneuse, dont l’emploi est aujourd’hui bien vérifié, soit au moyen d’une location et d’un travail à façon, soit par une association entre cultivateurs, comme cela a eu lieu dans nos départemens de l’est à la suite de la dernière guerre? Ce n’est pas de gaîté de cœur que les cultivateurs des autres états se sont assujettis à l’emploi des machines; ils y ont vu un bénéfice réel et un allégement de leurs charges : il n’y a qu’à les suivre sous peine de méconnaître nos intérêts.

Pour que les cultures deviennent chez nous ce qu’elles doivent et peuvent être, c’est cette apathie de nos paysans qu’il faut surtout combattre. On les dirait parfois indifférens à leur propre sort; même pour les choses les plus urgentes et qui devraient les regarder, c’est à la main du gouvernement qu’ils songent. Dans quel état se trouvaient les chemins, dont l’entretien est à la charge des communes ou des riverains, quand la loi est intervenue pour en écouler les eaux et combler les ornières? Aujourd’hui tout ce système de vicinalité est en bon état malgré la guerre, malgré les charrois des Prussiens, et on peut dire malgré leurs cultivateurs eux-mêmes, qui n’y épargnent pas les dégradations. C’est là le plus grand bienfait qui depuis des siècles soit échu à l’agriculture et aux consommateurs de ses produits. Nulle part il n’existe un plus beau réseau de voies de communication de tous les types et dans tous les sens, des chaussées mieux construites, une circulation plus aisée. Nous n’avons d’égaux pour ces travaux de route que les Anglais, les Belges et les Hollandais. L’Autriche est sous ce rapport très mal partagée; peu nombreux, ses chemins sont en outre très mal établis et encore plus mal entretenus, impraticables l’hiver par la boue, étouffant l’été sous des flots de poussière les attelages et les hommes. Il est vrai qu’un récent projet de loi promet à l’Autriche une large aubaine de chemins de fer, mais ce sont là des féeries qui disparaîtront probablement sans laisser plus de traces que son exposition de produits. A nous également il y a des promesses faites pour des chemins de fer ruraux à bon marché; ceux-là sont plus réels et ont une origine sérieuse. Qu’ils soient les bienvenus, ils ajouteront un