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que cette tolérance n’est pas supportée sans ombrage, et que partout on l’éteint à bas bruit? L’Autriche est plus libre; depuis les dernières réformes, elle admet dans l’école toutes les formes de l’enseignement, et laisse aux maîtres le choix presque discrétionnaire du matériel. Les témoignages de cet état de choses étaient réunis dans la même galerie, et on pouvait étudier presque ville par ville en quoi elles différaient ou se rapprochaient les unes des autres; mais il existait ailleurs, dans le Prater même, un type plus vivant et plus curieux d’une école élémentaire : c’était un pavillon isolé qui contenait la représentation exacte de l’école, une école américaine, où le programme des études était chaque jour mis en action. A de certaines heures, le professeur paraissait sur le seuil et montait en chaire. Tout était installé comme si des enfans dussent y prendre place, avec des sièges qui au moyen d’un mécanisme se dédoublaient pour fournir un pupitre, des livres, des ardoises, des tableaux, et, comme dernier attrait, un orgue. Les bancs se garnissaient d’auditeurs de passage, et le professeur commençait la leçon, expliquant tout de la meilleure grâce, et, comme distraction, donnant à entendre quelques airs : de loin en loin, il y joignait des maximes qui frappaient par leur justesse et leur concision. Il n’y avait qu’un pasteur évangélique, peut-être un des descendans des premiers pèlerins de la Pensylvanie, qui pût avoir de telles complaisances pour un public d’inconnus, entreprendre pour lui un cours d’éducation, semer le grain sans trop savoir où il tombait, amuser ou instruire à tout hasard. Envisagée ainsi, la fonction du maître d’école cesse d’être une routine, elle devient un véritable apostolat.

Venons-en à l’agriculture. Ce qu’elle est en Autriche et dans les états allemands qui ont gardé l’empreinte féodale n’a aucune analogie avec ce que nous voyons en France, même en Alsace façonnée à notre image. Depuis que nos paysans ont été mis pour une bonne part en possession directe du sol, ils en ont fait en beaucoup de places une succession de jardins, de vergers et de prairies; le champ même n’a plus l’aspect d’autrefois, on y aperçoit peu de jachères, le bois est soigné arbre par arbre, même la forêt n’y est pas laissée à l’abandon. Partout on reconnaît la main et l’œil du maître veillant sur ce qui lui appartient. Autre est la condition et l’état de la terre quand elle se trouve dans les mains de seigneurs comme héritage de famille ou de riches acquéreurs qui ont pu s’y tailler un domaine et quelquefois un blason. A l’aménagement et à l’espèce des cultures, il est facile de distinguer le bras énervé du vasselage et la surveillance inintelligente des régisseurs. Ce vice d’exploitation est apparent même aux portes de Vienne, dans l’archi-duché d’Autriche, qui est un pays d’exception. Rien de plus brillant