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II.

Parmi les entreprises sur lesquelles la population de Vienne avait les yeux fixés, il n’en était point, comme on l’a vu, qui l’intéressât plus vivement que l’exposition universelle. On attendait beaucoup soit du succès propre de l’exposition, soit de l’influence qu’elle allait exercer sur ce qui se trouvait dans son cercle d’action, titres frappés de langueur, sociétés de crédit en souffrance. Plus on attendait d’elle, plus on s’efforçait d’en rehausser l’éclat par la magnificence des installations et le prestige des étalages. De jour en jour, aux bâtimens principaux s’ajoutaient de nouvelles annexes d’une architecture variée et adaptée à la destination. De fortes sommes s’en allaient ainsi; mais il était convenu qu’on ne compterait pas. Le fait est que le total a dépassé toutes les prévisions, et qu’aujourd’hui encore les chiffres ne sont pas bien fixés. Les uns disent 40 millions de francs, d’autres 50, dans tous les cas une somme que les recettes ne couvriront jamais. La balance devait être rétablie par les profits indirects, et, sans la part de l’imprévu, le calcul eût été probablement justifié. Si en effet cette masse de titres qui flottait sur le marché autrichien eût gardé quelque consistance, une portion au moins aurait pu en être réalisée et appliquée à l’échange d’objets, de produits, de marchandises, déposés dans les salles ou dans les vitrines de l’exposition. La force des choses eût amené et multiplié ce mouvement d’affaires. Des deux parts probablement les conditions en auraient été surfaites; on eût donné le papier de crédit pour plus qu’il ne valait, en même temps qu’on eût mis aux articles vendus des prix disproportionnés, et chacune des parties se fût accommodée de ce moyen de liquidation. La France surtout, qui avait envoyé à Vienne des produits riches ou des objets de fantaisie dans tous les genres, aurait eu un avantage réel à en trouver le placement : elle eût évité tout au moins les frais d’un réemballage et du transport de retour. La crise financière du mois de mai, dans son coup de foudre, a dérangé ces plans, bouleversé de fond en comble ces combinaisons. Sur quel pied, dans quelles conditions traiter avec des acheteurs qui n’avaient plus en main que des titres morts? L’exposition a perdu dès lors l’attrait sur lequel la population de Vienne comptait le plus, le trafic commercial; elle gardait seulement son caractère de concours honorifique, qui s’adressait moins aux intérêts qu’aux amours-propres. Pour de si grands besoins, c’était un aliment peu substantiel.

Est-il maintenant nécessaire de dire ce qu’étaient ces vastes constructions du Prater où étaient logés les produits admis à cette exposition universelle? La plume, le crayon, le burin, y ont surabon-