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que l’influence du métal ! A l’instant même et sous l’empire d’une circulation régulière, la confiance renaît et l’industrie se développe; une longue période s’écoule où l’argent et le papier, gardant de justes proportions, se partagent les services sans embarras ni crises aiguës. La politique est calme, les finances le sont aussi; toujours ces deux termes se correspondent. Il faut en arriver à 1848 pour retrouver le crédit de l’Autriche en état de rechute. L’empire a eu à traverser de mauvais jours et à supporter de lourdes charges, les émeutes de Vienne, l’insurrection de la Hongrie, réduite à grand renfort d’hommes et d’argent : comment suffire à cela, si ce n’est avec des expédiens financiers, émissions de papier sans garantie et emprunts faits à la banque sans remboursemens immédiats ni même prochains? Et de son côté la banque, devant ses caisses vides, redemande et obtient le cours forcé pour ses propres billets. Toujours le même cercle vicieux; aussi le papier d’état ou de banque se déprécie-t-il de nouveau; il est à 127 fr. 50 cent, en 1849, à 144 fr. en 1859, à 152 en 1861, à 145 en 1866; enfin en juillet 1873 l’argent obtient encore une prime de 9 à 10 pour 100. Au 30 juin de cette dernière année, la circulation se composait de près de 380 millions de florins de billets d’état et de près de 340 millions de florins de billets de la Banque nationale, couverts par une réserve métallique de 144,410,000 florins, plus que suffisante pour en ramener la valeur au pair, sans la concurrence des billets de l’état et la dette de celui-ci envers la banque, dont le portefeuille n’est pas en entier susceptible de réalisation.

Sur l’exposé de ces faits, il est aisé de comprendre dans quel sens a tourné une population rivée à un tel régime et accoutumée à des spectacles si peu édifians. Ce papier-monnaie livré à tant de fluctuations, ces banqueroutes publiques frappant les fortunes privées dans des proportions exorbitantes, et par surcroît le maintien de la loterie comme amorce aux petites bourses, sont faits pour émousser chez les individus le goût et la volonté de régler convenablement leur vie. Rien surtout n’est d’un plus détestable exemple que le mépris des engagemens venu d’en haut; il pervertit les consciences et prépare toutes les chutes. Que reste-t-il d’ailleurs comme encouragement à l’épargne quand les déposans la voient se fondre, à leur grand désespoir, dans les mains qu’ils ont dû croire les plus sûres? Pour Vienne, cette situation a produit deux effets également fâcheux. D’un côté, le prix des choses s’y est accru en raison de la dépréciation du papier, et la vie y est devenue trop chère pour qu’on y puisse suffire par le travail ordinaire; on a plus dépensé tout en gagnant moins. D’un autre côté, on s’est jeté sur les placemens qui pouvaient offrir un intérêt supérieur au taux de l’intérêt régulier, et