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Vienne aimant le jeu comme elle aime les dissipations, courant des risques pour les émotions qu’ils procurent et engageant des paris sur tout ce qui en peut fournir l’occasion. Tous ces nouveaux quartiers, les Rings d’abord, puis les terrains à conquérir sur le Danube, ont été l’objet d’opérations financières subdivisées à l’infini, avec capital de création, dividendes hypothétiques et amortissement. Il y a même eu, dans quelques cas spéciaux, un capital d’obligations à revenu fixe près des actions à revenu éventuel. Ces titres, d’origine et de nature diverses, ont été successivement jetés sur le marché, servis par une publicité tapageuse, admis à la cote et soutenus jusqu’à écoulement par des croupiers fortement intéressés. Ce qui aidait à ces manœuvres, c’était le papier-monnaie, introduit en Autriche depuis plus de quatre-vingts ans, et qui depuis lors n’a pas pu en être extirpé. Le point de départ remonte à 1792, où des billets d’état, furent émis à cours forcé en vertu d’une loi du temps. On n’y vit alors qu’une ressource temporaire; pourtant elle dure encore, ce qui doit donner à réfléchir aux nations qui se trouvent dans le même cas. A l’origine, le mal n’est pas grand; le billet d’état, en 1799, ne perd que 3 pour 100; mais à compter de cette date les émissions, jusque-là limitées, se multiplient au gré des événemens et des besoins. Tantôt c’est la guerre sévissant à l’improviste, tantôt ce sont des disettes, si bien qu’en 1810 il faut 500 florins en papier pour fournir l’équivalent de 100 florins métalliques, et six mois après 1,200; les cours varient de 20 ou 30 pour 100 du jour au lendemain. Le vertige s’en mêlait; il fallait aviser, comme on l’avait fait en France dans la déroute des assignats. En 1811, un décret impérial réduit les billets d’état au cinquième de leur valeur nominale; c’est une première banqueroute et une première consolidation, pour employer le mot décent. En 1816, autre consolidation et autre banqueroute, qui ramènent une seconde fois le billet d’état à 250 florins en papier pour 100 florins en argent, de sorte que les 100 florins de 1810 étaient réduits en réalité à 8 florins en 1816, et encore n’était-ce là qu’un cours légal ; le cours réel, celui du commerce et des opérations de banque, descendait encore plus bas.

C’en eût été fait du crédit de l’Autriche, s’il ne lui était pas survenu un auxiliaire inespéré dans la Banque nationale, qui venait d’être créée au moyen de souscriptions privées et avec une encaisse métallique que ses statuts défendaient contre d’imprudentes ventilations. Peu à peu la banque se substitue alors à l’état pour une portion de ses engagemens et prend à sa charge une part des services publics : pour entrée de jeu, elle retire de la circulation les billets d’état et les remplace par les siens, qu’elle rembourse à présentation et en espèces, ce qui les maintient au pair. Ce que c’est