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choix de ces figures est encore moins important ici que la place que l’artiste leur a donnée. Prises en elles-mêmes, ce ne sont que les figures des Bestiaires ; mais, rapprochées des signes du zodiaque et étagées parallèlement avec eux, ne disent-elles pas aussi clairement que peuvent le dire des figures de pierre que ces êtres ont accompagné les évolutions du temps et marqué les étapes de la durée? C’est donc une très solide hérésie de la renaissance que nous contemplons ici, une hérésie exprimée avec cette dextérité d’imagination dont les artistes et les écrivains de cette époque ont fourni tant de preuves. La pensée apparaît avec la plus extrême clarté, et en même temps elle est dissimulée avec une habile prudence qui met son auteur à l’abri de toute atteinte, et le laisserait maître de la nier au besoin.

Si Souvigny a été le premier berceau de la maison de Bourbon, la petite ville de Bourbon-l’Archambault a été sa chapelle baptismale, car elle lui a donné son nom. Les descendans d’Adhémar, désertant Souvigny, y transportèrent leur résidence, et les ducs issus de Robert de Clermont en firent la leur jusqu’à l’extinction de leur lignée directe. Ce ne fut que lorsque l’héritage des Bourbons passa à la branche des Montpensiers que cette ville fut abandonnée par ses seigneurs, et alors, de même que Souvigny avait eu son abbaye pour se consoler de ne plus posséder ses maîtres, à Bourbon il resta ses eaux minérales. Elles étaient très fréquentées autrefois, alors que la diligence était l’unique moyen de voyager, mais elles ont été délaissées en partie depuis que l’habitude des voies ferrées nous a rendus si délicats que le léger ennui d’un voyage de quelques heures dans un étroit et infect véhicule, simulacre de celui qui nous cahotera vers notre dernière demeure, effraie le sybaritisme de nos nerfs. Je doute en effet qu’il y ait d’autres personnes que de vrais malades qui visitent Bourbon à l’heure présente; or, comme chacun sait, les vrais malades ne forment pas un tiers des personnes qui fréquentent annuellement les stations thermales. C’est assez dire combien la pauvre petite ville de Bourbon est réduite au sort de Cendrillon la méprisée. Quelques vieillards à demi paralytiques, quelques bonnes dames qui se ressentent sérieusement des épreuves de l’âge, quelques grognards moroses que tourmentent de vieilles blessures d’armes à feu, et quelques jeunes soldats que des plaies tenaces rendent peu folâtres, voilà la société respectable et médiocrement gaie qui vient tous les ans tenir compagnie à la pauvre Bourbon pendant que sa sœur de Vichy et même sa sœur de Néris vont au bal, au concert et à la comédie, et reçoivent les visites de dames galantes et de fringans jeunes gens. Encore cette société ne lui tient-elle compagnie que quelques semaines, pendant la canicule seulement, car, redoutant les fraîcheurs du printemps, elle arrive tard, et redou-