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chemin qu’elle avait suivi la veille, et que déjà l’avant-garde se préparait à passer l’Isser, des deux rives du fleuve sortirent, en poussant des cris aigus, une foule de Kabyles qui attendaient, embusqués dans les anfractuosités du roc, derrière des massifs d’arbres et des broussailles. Reçus par un feu nourri et bien dirigé, ils durent renoncer à l’offensive, et le passage s’opéra sans difficulté.

Le terrain sur lequel marchaient nos troupes était le flanc même d’une vallée large et profonde. A gauche étaient des hauteurs considérables, couvertes de broussailles et de bouquets de bois. Ces hauteurs furent occupées par des tirailleurs qui, réglant leur marche sur celle de la colonne, se glissant sur les crêtes malgré les difficultés des lieux, jetant leur feu partout où paraissait l’ennemi, surent le tenir en respect. A droite, le terrain s’abaissait rapidement pour aboutir à un ravin assez évasé, et de l’autre côté du ravin la distance était trop grande pour qu’on eût à redouter aucune attaque ou embuscade. Cependant les Kabyles s’obstinaient à harceler notre arrière-garde. Rencontrant un endroit propice, le colonel Fourchault fait mettre ses deux pièces en batterie et diriger contre eux quelques obus : aussitôt tous les burnous blancs de tourbillonner et de s’enfuir en désordre. Une charge à la baïonnette, exécutée sur le flanc gauche par les tirailleurs indigènes, eut également plein succès.

La marche continue ainsi jusqu’à midi; on touchait alors au col de l’Arbâ des Ould-Zian, position importante et point d’attache d’une deuxième vallée dans laquelle on allait être forcé de descendre. C’était là évidemment que les Kabyles nous attendaient et qu’il fallait frapper le grand coup. Sur l’heure même, tandis que de droite et de gauche nos éclaireurs occupaient les hauteurs, la colonne, avec une vigueur irrésistible, s’engage dans le défilé et culbute tout ce qu’elle rencontre. Ce fut l’affaire d’un moment. Le col franchi, le danger avait en partie disparu; mais une courte halte était devenue nécessaire : les mulets d’ambulance ne suffisaient plus à transporter, outre les blessés, les hommes épuisés de fatigue. Vers une heure, on se remit en route, toujours dans le même ordre, la colonne au centre entourée à grande distance de ses flanqueurs et éclaireurs, marchant sur les pitons des crêtes ou fouillant les profondeurs des ravins, — les tirailleurs indigènes en tête, les zouaves en queue. Cette disposition était due à la longue expérience du colonel Fourchault : les soldats indigènes en effet, d’une prodigieuse énergie dans l’attaque, sont très difficiles à conduire dans la retraite; se plaisant à la guerre individuelle, ils s’attardent dans leurs embuscades, et le mouvement de retraite peut ainsi se trouver compromis.

L’ennemi, découragé par une aussi ferme résistance, montrait