son mari mort, de sa fille vivante, de ses petits-enfans et de ses nièces, enveloppa mistress Leigh, qu’elle avait aimée jusque-là, dans son ressentiment général contre les membres de sa famille. Le langage qu’elle tint en 1840 à Médora Leigh respire la haine; elle accuse sa belle-sœur non-seulement d’inceste, mais de complicité dans la séduction de sa propre fille. Un pareil langage ne s’explique que par la méchanceté ou par la folie. Il n’y a qu’une méchante femme ou une folle qui, après avoir prodigué pendant seize ans les témoignages d’affection à sa plus proche parente, puisse l’accuser tout à coup du double et épouvantable crime d’avoir été la maîtresse de son frère et la corruptrice de son enfant. Les révélations qu’a provoquées l’imprudence de mistress Beecher Stowe ne permettent désormais de sauver l’honneur de lady Byron qu’à la condition de la décharger de la responsabilité de ses actes. On ne lui conserve l’estime qu’en lui retirant le discernement. La seule manière d’excuser sa conduite serait de reconnaître, comme le font du reste ses amis les plus judicieux, que sa tête se troubla sous l’influence du chagrin et de la solitude, qu’en voulant approfondir par une tension d’esprit trop continue le mystère de sa destinée, en recherchant dans sa mémoire tous les souvenirs qui s’y rapportaient, la vérité aussi bien que l’erreur, les griefs réels et les accusations calomnieuses, peut-être même quelques fanfaronnades libertines de son mari, elle crut y découvrir une série d’horreurs qui ne répondaient à aucune réalité, qu’enfantait seule une imagination à la fois tourmentée et séduite par ses chimères. Autrefois lady Byron, sans fournir aucune preuve de ses assertions, enfermait les défenseurs de lord Byron dans ce dilemme rigoureux, ou de convenir qu’il avait été fou, ou de confesser l’indignité de ses procédés envers sa femme. Cet argument se retourne aujourd’hui contre elle avec d’autant plus de force que, s’il était prouvé qu’en essayant de déshonorer son mari et sa belle-sœur elle eût agi dans la plénitude de sa raison, on la condamnerait cette fois, non plus comme elle demandait que l’on condamnât lord Byron, sur de simples suppositions et de vagues indices, mais sur des faits positifs, avérés, authentiques. Le zèle intempérant de mistress Beecher Stowe n’a donc rien ajouté à la réputation de lady Byron; il eût mieux valu pour celle-ci demeurer dans le demi-jour où des biographes discrets l’avaient retenue jusqu’alors que d’être traînée sur un plus grand théâtre et offerte en spectacle à la curiosité publique.
A. MEZÈRES.