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au nom de sa femme, que lord Broughton avait demandé tout d’abord au représentant de lady Byron de désavouer, avant toute négociation, les calomnies qui circulaient dans le monde sur le compte de son ami. Il s’était mis, disait-il lui-même, l’esprit à la torture pour se rappeler tous les crimes qu’on attribuait à lord Byron, pour en inventer au besoin; chaque fois qu’il produisait une accusation nouvelle, il demandait aussitôt à M. Wilmot Horton : Croyez-vous que ce soit vrai? Le représentant de lady Byron répondait invariablement : Nous ne le croyons pas. On sait aujourd’hui que le crime d’inceste fut alors cité comme une des mille calomnies qui se répétaient sur le compte du poète, et que M. Wilmot Horton repoussa cette accusation. D’autres preuves s’ajoutèrent encore à un témoignage si formel. On publia les lettres que lady Byron adressait à mistress Leigh avant et après la séparation, on n’y découvrit que des témoignages d’affection et de confiance. Une étroite amitié régnait entre les deux belles-sœurs; dans les derniers mois que lady Byron passa sous le toit de son mari, c’est à mistress Leigh qu’elle raconte ses chagrins, c’est sur mistress Leigh qu’elle compte pour apaiser les colères, pour dissiper les tristesses de Byron. Entre le mari et la femme déjà désunis et irrités, cette sœur secourable joue le rôle de confidente, elle essaie vainement de rapprocher deux cœurs qui s’aigrissent. Lorsque lady Byron a quitté la maison conjugale pour n’y plus rentrer, c’est elle encore qui sert d’intermédiaire entre les deux époux. Byron la charge d’obtenir de sa femme l’explication de ce départ. C’est par ses mains que passe la courte et décisive réponse de lady Byron. De telles relations eussent-elles été possibles entre les deux belles-sœurs, si, comme le prétend mistress Beecher Stowe, lady Byron, avant de quitter son mari, eût surpris celui-ci en flagrant délit d’inceste? Eût-elle consenti dans ce cas à laisser baptiser sa fille sous le nom d’Augusta, qui était celui de mistress Leigh? Après que lord Byron eut quitté l’Angleterre, fût-elle allée passer les mois de septembre 1816 chez sa belle-sœur? eût-elle entretenu pendant quinze ans des rapports affectueux avec cette dernière? La confiance était telle entre la femme et la sœur de Byron que toutes les lettres adressées par lui de Suisse, d’Italie ou de Grèce à mistress Leigh furent communiquées par celle-ci à lady Byron, qui en garda copie. Y a-t-il rien de moins équivoque que cette conduite du frère et de la sœur, rien qui ressemble moins à une liaison criminelle? Lord Byron et mistress Leigh se brouillèrent cependant en 1830, mais pour des motifs absolument étrangers à l’horrible accusation que mistress Beecher Stowe fait peser sur l’une d’elles.

Que reste-t-il après cela du roman à sensation que l’Amérique envoyait en Angleterre avec tant de fracas dans le courant de l’an-